Cinquétral. Résidence. Jura. Neige. Froid. Verglas. Je prends mes marques. Je m'acclimate. Je vais passer cinq mois dans une maison au coeur d'un petit village à plus de 900 mètres d'altitude ; accueillie par Saute-frontière et la Maison de la poésie Transjurasienne. Ateliers d'écriture, lectures, échanges... Haut-Jura.
Depuis que je suis là, je sens combien je suis réglée sur le rythme des grandes villes. New-york, Berlin m'ont moins effrayées que la traversée silencieuse des grandes étendues de neige au soir tombant, la ligne sombre des sapins qui rayent l'horizon alors que je tente de rejoindre le gîte par une route secondaire, l'autre étant coupée pour cause d'incendie.
Mais je sais que je vais m'habituer et prononcer Moré et non pas Morèze pour Morez. Je vais laisser faire la rencontre, elle m'intéresse. Je prends des notes, je prends des photos. Je tente de décrypter ce que l'on me raconte avec beaucoup de franchise. Les histoires de territoire, d'usines qui vont peut-être fermer, les néo-ruraux et ceux d'ici, les moutons qui auraient eu froids, les taiseux, les bavards, les intellectuels, les manuels, la plasturgie, la lunette, la pipe, les raquettes, le ski de fond, le chauffage au bois ou au gaz, la Cure avec sa frontière suisse, les tempêtes, les maisons à chauffer, les pauvres, les riches, Champion racheté par Carrefour ... J'écoute. Parfois la peur que tout cela ne fasse pas sens.
Et c'est dans la généreuse bibliothèque de la Maison de la Poésie, que je trouve une première réponse, C'est Agir écrire de Pierre Bergounioux publié en 2008 chez Fata Morgana qui m'attire l'oeil (celui qui pense). Le titre semble me rappeler à l'ordre. Et l'ouvrant je lis ces mots : La littérature est conscience du monde. Elle diffère de la philosophie en ce qu'elle ne renvoie ni au ciel des idées ni aux fondations enfouies de la métaphysique, et aussi de l'histoire, parce qu'elle s'écrit à hauteur d'homme, sous la lumière changeante et le vent fugitif du présent.