Parfois cela ne vient pas l''écriture. Les mots s'alignent sur l'écran avec le sentiment qu'ils ne m'appartiennent pas. Rien à dire peut-être. Malgré ma visite à l'atelier de sérigraphie à la Maison du peuple de Saint-Claude. Lieu où je me sens bien. Pour son ambiance atelier (outils, matériaux qui se mêlent aux objets exposés), ses fenêtres ouvertes sur la ville... Pour Michel Bastien, le responsable du lieu avec sa gentillesse un peu bougonne quand il ne vous connaît pas. Mais très vite il vous donne à partager son enthousiasme pour le livre, l'image. Et va jusqu'à lire et interpréter les livres-objets exposés ici et fabriqués des élèves.
Oui, je devrais pourvoir raconter aussi la conversaiton et les gâteaux échangés avec Dominique Lacoudre, peintre nantais en résidence depuis quelques semaines et qui travaillait, ce jour-là, à un kamishibaï, théâtre de papier... . Oui il faudrait que j'écrive plus longuement sur la maison du Peuple de Saint-Claude, mais la force de son histoire humaine m'effraie. Me tétanise. Comment saisir en quelques mots ce qui fut une longue et belle histoire de coopérative ouvrière, de militance, de partage ? Ne pas réduire à quelques clichés la belle aventure humaine. Il me faudrait une fiction pour oser donner à lire une telle histoire. Alors quelques photos, ci-dessous, pour raconter un peu le lieu. Sans les mots. Les mots qui reviendront, je le sais. Mais la peur tout de même de se perdre en leur absence.
Clouée au sol, au propre comme au figuré, car je n'irai pas à Berlin cette semaine pour cause de nuage islandais, et j'ai dû admettre aussi les causes de la difficulté à poursuivre mon roman : l'ennui. Puis j'ai décidé qu'il était bon que le monde reprenne ses distances et j'ai remisé la centaine de pages en cours et débuté un autre travail qui s'annonce bien, une quinzaine de pages écrites en quelques jours. Deuxième fois en un an que je renonce à finir un texte. Mais comment faire autrement lorsque l'écriture devient ennuyeuse ? Je peux faire face à la difficulté de certains passages, à un moment de creux mais pas à l'ennui. Car je sais alors que j'ai perdu la trace de mon sujet.
Un sujet qui peut-être formel, politique ou émotionnel mais qui doit battre entre les lignes du texte. Et là, il n'y avait rien, seulement des mots qui s'alignaient mollement. Rassurants à faire chiffre (j'actionne souvent la fonction statistiques pour vérifier qu'au moins le nombre de signes progresse). Donc il est archivé parmi bien d'autres histoires. Je ne pensais pas qu'un autre texte se mettrait aussi vite en route :
I - La vie du dépliant
Les chambres sont spacieuses, le jardin vaste, les soins de qualité, l’accueil chaleureux, la salle de bain ergonomique, les équipements adaptés aux besoins. La prestation hôtelière est en adéquation avec la clientèle, une assistance médicale est assurée 24h sur 24h. Il existe une unité protégée pour personnes dépendantes psychiques. En 2002, l’établissement a obtenu la certification Iso 9001.
Des activités, des rencontres intergénérationnelles et des sorties sont proposées cinq jours par semaine. Un espace beauté offre les compétences d’un coiffeur, d’une pédicure et d’une esthéticienne. Les chambres sont individuelles ou communicantes. La personne est âgée.
Les mots écrits sur le dépliant suggèrent le calme, la sérénité et une prise en charge humaine du résident. Sur les photos, les soignants sourient, uniquement des femmes en blouses blanches ou roses. La personne âgée sourit aussi. Accompagnement de fin de vie. Le dépliant ne ment pas. Sur place tout est calme. Le visiteur n’aura rien à redire. Il rangera le dépliant dans le vide poche de sa voiture ou dans une chemise cartonnée avec écrit dessus le nom de l’établissement puis il enregistrera le numéro de chambre sur son portable.
Saint-Martin-d'Hères. J'ai traversé une partie de la ville à pied, appareil photo à la main. Elle se donne à voir sans aucune logique urbaine, de coquettes maisons jouxtent des immeubles quelconques, de nombreuses friches exhibent leur architecture éventrée à quelques mètres d'une importante zone commerciale, des espaces chargés en panneaux signalétiques qui soudain s'ouvrent sur des terrains vagues. Je voudrais fixer les recouvrements d'époque, la cohabitation sociale. Photographier la jointure. Il fait très chaud, je fais une pause à la Maison de la poésie. Nous aimerions bâtir ensemble une résidence d'auteur qui associerait mon travail photo avec des ateliers écriture. Je ne sais pas grand chose encore du passé industriel de la ville. On m'a parlé de la Biscuiterie Brun qui a fermé en 90, le couvent des Minimes qui a subi un incendie en 2007, la présence forte des immigrés portugais, espagnols et algériens, le campus universitaire. J'ai choisi un format 16/9 que je ne peux pas afficher ici, l'interface de mon site ne connaît que le carré. Avec ce format, j'espère garder le ciel à distance, il s'impose trop souvent dans mes photos à mon goût.