Choisir d'être à Port Saint-Louis pour la nouvelle année. Je tourne dans la ville, autour de la ville ... Dans le plat du paysage camarguais, les cheminées des usines, les citernes et les tuyaux des raffineries échappent difficilement au regard ou alors il faut sérieusement leur tourner le dos, mais reviendront à la charge les odeurs soufrées. Si le port de plaisance tente de se donner des airs insouciants de marina, il semble surtout vouloir dissimuler les nombreux immeubles bon marché des autres quartiers. C'est cette cohabitation complexe de la mer, des marais salants, de la faune et de l'industrie qui me fascine et m'amène à venir ici régulièrement. Et je peux marcher avec une même exaltation le long des routes soumises au trafic des camions que sur les chemins sableux qui mènent à la mer ou aux étangs. Ce matin dans le souffle du mistral et la lumière précise du soleil, j'ai pu mieux photographier l'imposante friche d'une ancienne rizerie. Sur une plaque, on peut lire : Uniriz - riz du soleil levant. FIC : compagnie franco-indochinoise. Le lieu est à l'abandon alors s'efface ici, lentement, les traces d'un passé du labeur. Je le vis avec une certaine violence. Comme si on envoyait aux remblais tous ceux qui ont donné leur temps, leurs corps à cette entreprise. Je ne cherche pas à magnifier le travail mais il faut pourtant bien raconter la vie des silencieux. Alors dans le désordre des pierres, des ordures, des portes arrachées, je me suis engouffrées appareil à la main. Le vent agitait bruyamment la carcasse du bâtiment et j'étais excitée et anxieuse à la fois. En Lorraine aussi, les traces ont été ensevelies, rasées et c'est sur un ancien crassier que les touristes viennent jouer aux machines à sous.