[le site de Fabienne Swiatly ]

L'encre du tatouage qui bleuit avec le temps.

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Le hasard fait que ma résidence à Cinquétral correspond à l'Assemblée générale de la fédération européenne des Maisons de poésie en ce même lieu. Du coup je mets la main à la pâte et aux patates (on prépare les repas sur place). Belles rencontres avec les militants de la poésie - que je ne connaissais que de nom jusqu'alors. Comme dans toute les familles, on mesure les différences, les affinités, les diversités de moyens et mon étonnement que certains ne possèdent pas de sites ou le vivent encore comme un outil inerte - la crainte certainement que cela ne vienne remplacer le papier. Ou la peur d'une technologie qui peut être dévoreuse de temps. J'aime alors raconter l'aventure de Remue.net qui nous fait exister ensemble, malgré l'éloignement géographique, à une revue littéraire. Ce qui n'empêche pas de se retrouver pour de vrai - comme disent les enfants - le temps d'une soirée de lectures à Lyon ou Paris.

Malgré la diversité de nos enracinements littéraires et technologiques, les rencontres sont vivifiantes et me donnent l'occasion d'entendre pour la première fois la voix de Timothée Laine et celle de Jacques Moulin. Puis une discussion (plusieurs fois renouvelée pendant le week-end) qui nous mène des falaises d'Etretat à la mer absente du Jura. Le calcaire comme territoire commun, pourquoi pas.

Sans oublier la balade en raquettes sous les épicéas sombres puis sur les hauteurs enneigées dont je n'ai pas retenu les noms - va falloir que j'achète une carte. Et la surprise de lectures devant le muret qui marque la frontière franco-suisse en pleine forêt ou encore à la grande table de l'Ecomusée de la Chapelle-des-bois.

Et vient le dernier repas, quand la plupart ont rejoint voiture ou train, pris dans la cuisine de Saute-frontière à finir les restes, et le camarade Pierre Vieuguet qui nous dit l'histoire des humbles de l'île d'Ouessant : des femmes, ici, redressent chaque jour des pierres noircies pour inverser les vents. Et je pense alors à Rithy Panh qui pendant le tournage du film tiré de Barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras a retrouvé les rizières de la dame blanche. Le nom resté dans la mémoire des paysans et qui redonne une vie à la femme, à la mère, qui a voulu retenir les eaux salées de l'océan.

S'inscrire dans la terre, dans le calcaire, dans le papier, à l'écran ... Cet entêtement des hommes et des femmes.

Dernière mise à jour dimanche 11 janvier.

 

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La veille, j'ai  traversé  Saint-Claude avec mon groupe d'enfants qui notent et apprennent à regarder au plus près leur ville. Nettoie leurs yeux des buées de l'enfance. Je leur demande aussi d'écouter.

Je regarde également la ville, avec bienveillance, mais dans l'absence de lumière ce sont les vitres brisées, les terrains vagues, les camaïeux de brun et de vert qui s'imposent. La vacance de nombreux lieux. Je prends en photos un paysage bu par le gris du ciel, pas facile. De retour  devant mon écran, je bidouille le rendu. Je transforme la photo en une fiction plus colorée, sur laquelle  se détache nettement le A VENDRE, qui orne bien des fenêtres de la ville. Numériquement, je rajoute du contraste, de la chaleur et même du bruit (c'est le mot employé par mon logiciel). Le bruit de la lumière - j'entends.

Le lendemain, le soleil m'invite à sortir. Paradoxalement, je laisse l'appareil photo sur mon bureau. Je décide de rejoindre Longchaumois par la route. M'égare quelque peu dans la forêt, croise une biche sautillante qui pourrait aussi bien être un daim. Je m'émeus malgré tout. Dans la poche de ma parka, l'agenda noir et le stylo pour saisir en mots le présent. Et justifier ma balade un mardi matin. Je marche dans la neige qui craque différemment à chaque pas selon la terre, l'herbe ou le verglas dessous. J'écoute le bruit de mon avancée dans le paysage. 

Traversant un pré enneigé où se découvrent par endroits des touffes d'herbes vertes - le temps est au redoux -  j'entends un bruit singulier. Je m'arrête pour mieux écouter. Tente de noter le son exact de ce que je suppose être le craquement de l'herbe glacée. Je note le mot chant sur mon carnet mais le son est plus rauque, plus crépitant. Je note crépitement, craquement, craquellement ... je suis ravie d'entendre le bruit de la nature. J'ai presque du sang indien  qui coule dans mes veines quand soudain je lève la tête et constate, dépitée, que ce sont les lignes de haute tension qui crépitent.

Je poursuis mon chemin. Cette expérience vient renforcer ma théorie comme quoi en littérature, tout est fiction. Que ce que l'on nomme autobiographie est la fiction qui nous est la plus familière. La plus proche, mais fiction tout de même. Si ne n'avais pas levé la tête, je serais rentrée avec la certitude d'une vérité alors que non. Et c'est avec enthousiasme que j'aurais répandu autour de moi l'évidence du chant de l'herbe glacée dans le Haut-Jura.

Mais si le chant de la terre vous démange tout de même, vous pouvez entendre des extrait du travail de  Boris Jollivet ici . C'est un preneur de sons qui enregistre le chant des glaces, ceux des lacs gelés. Il écoute actuellement les lacs d'Etival pas très loin d'ici.

Dois-je lui conseiller de lever parfois le nez ? Oh et puis qu'importe !  Moi,  le chant des glaces, j'ai très envie d'y croire.

Dernière mise à jour, mardi 27 janvier 2009 et une tentative sonore en cliquant ici

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Le soleil a bien voulu quitter les sommets et descendre jusqu'au rez-de-chaussée des maisons, repliées longtemps sur l'hiver. Le froid a du mal à se détacher des murs - gris glacé. Marcher en suivant la lumière, rester sur le trottoir aux promesses de printemps.  Photographier.  Appuyer sur le déclencheur sans avoir vraiment vu. Rater beaucoup de photos. Se rassurer avec le déclic de l'appareil. Être en action. Agir. Marcher.

Monter, descendre des passages en escalier. Croiser des regards curieux. La ville est petite. J'y serre plus souvent des mains qu'à Lyon. Marcher, déclencher le clic. Tâtonner des yeux jusqu'à la lassitude.

Puis sur les hauteurs, alors que l'ombre a rejoint la rue, remarquer le cimetière en contre-bas. Et comme à chaque fois, la même question qui me vient sans que je parvienne à en préciser la cause mais obsédante : où serais-je enterrée à ma mort ?

Cela me renvoie à ma non-appartenance à un lieu, à une terre même si je réside depuis longtemps à Lyon.

L'essentiel de ma famille est enterrée à Amnéville en Lorraine - Le seul endroit où je ne voudrais pas être ensevelie. Donc enterrée ailleurs forcément, oui mais où ? Est-ce cela le nomadisme, ne rien savoir du lieu où le corps sera mis au repos ?

Dans toutes les villes en France et à l'étranger je visite les cimetières. Je lis les noms sur les stèles et les plaques. Je repère les traces de l'histoire, les Arméniens d'Alfortville, les aventuriers mexicains de Barcelonnette, les morts pour la France malgré eux, les fosses communes avec l'absence de date de naissance, les grandes familles qui en imposent jusque dans la hauteur du caveau, les médaillons aux photos décolorées... Et dans les allées marchant lentement me dire à chaque fois  : Je ne suis pas d'ici.

Peut-être faudrait-il aller en Pologne, à Cracowie. Sûrement mon nom de famille sur de nombreuses tombes avec l'orthographe  d'origine : Światły. Mais cela ne changerait rien. En Pologne aussi, je ne suis pas d'ici. Plus d'ici.

Peut-être sont-ce les enfants qui désignent le lieu où... Mes enfants qui arrêteront l'exode pour signifier que la fin est ici. Je ne sais pas. D'ailleurs je ne sais pas pourquoi la question m'obsède. Elle ne m'attriste pas, elle semble contenir une réponse qui pourrait m'aider à comprendre quelque chose des origines. Savoir où je pourrais être enterrée ne signifiant pas que je le voudrais. Juste savoir si le lieu où je m'arrêterai, sera un lieu choisi.

J'ai éloigné la question et repris l'appareil photo. Le cimetière était déjà dans l'ombre, j'ai photographié tout de même. Puis j'ai constaté que de nombreux lycéens l'utilisaient comme raccourci pour rejoindre le centre-ville. Il m'a semblé qu'un cimetière traversé par des jeunes était une bonne chose - oui mais pour qui ?
 
Mis à jour le 1er février 2009

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Ce soir tous les mots, les écrits et l'énergie des enfants embrouillés dans ma tête. Emplie de leurs regards en demande d'avenir, leur silence à distance, leurs bavardages emballés et leurs éclats de rire en saut d'obstacle, je me sens l'envie de repos.

Pas rien cette tentative de l'écriture avec d'autres. Leur mettre des mots à portée des yeux, de la main et de l'imaginaire. Tenir ferme l'emportement du groupe qui aime chercher le sens de la vie loin de la phrase. Et que tout de même l'une dit à l'autre qui s'agite beaucoup, que c'est une chose sérieuse que d'écrire sur sa ville. 

L'arrivée de la pluie qui nous fait raccourcir la sortie juste après le pont  et emprunter le chemin le long du cimetière parce qu'écrire sous la pluie ça vous mouille les mots inutilement. Et l'un d'entre eux, un joyeux avec du désir de vivre jusqu'au bout des pieds qui me dit qu'il va écrire sur son copain qui habite là. Je m'étonne puisque nous longeons un cimetière. Il précise que c'est un copain mort et il me raconte, à demi-mots, une bagarre, un coup de couteau et un enfant mort pour une histoire de scooter. Je sens de la gêne dans le reste du groupe, je n'insiste pas. L'histoire a fait du tort au collège, j'ai cru comprendre. Et un jeune qui tue un autre jeune, il faut déplier beaucoup de pages pour que cela soit supportable. Mais le jeune aux yeux en sourire continue et me dit qu'il va mettre son copain dans le texte pour lui faire plaisir. Je lui dis que c'est une bonne idée. Il n'est pas vrai que les morts veuillent toujours gésir en paix.

Plusieurs jours à faire ce voyage de l'atelier d'écriture pour des enfants et des adolescents, travail qui me fait rentrer à l'appartement avec un tourbillon de mots, de cris, de gestes en boucle dans ma tête. Palimpseste de visages qu'il faut mettre un moment à distance  pour retrouver le fil du  texte laissé en jachère depuis quelques jours. Allumer l'écran ou ouvrir la page du carnet. Rassembler les sensations et les mettre à l'écart sur les lignes du blog. Les donner à  regarder par d'autres. Se poser à l'intérieur de soi pendant que  la neige renvoie la nuit loin dans le paysage.

Dernière mise à jour - jeudi 12 février 2009 et des nouvelles des ateliers ici 

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trouvé dans catégorie : Obsession usine

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16 - Les forges de Syam de Pierre Bergounioux. Un livre qui laisse entrevoir la fin d'un siècle industriel. Description minutieuse d'une forge au pays des lacs dans le Jura. Et la force d'une écriture comme je ne sais pas en faire, avec la grand confiance dans le descriptif. A détailler ce qui fait mur, ce qui fait toit, ce qui fait forge, ce qui fait travail. A ne rien négliger et c'est le minéral qui dessine le contour de ceux qui travaillaient et travaillent encore ici. Et combien Bergounioux voit juste en évoquant Le grand Meaulnes :
 
"On ne peut s'empêcher de songer au livre merveilleux où Alain-Fournier, en 1913, a fixé le visage de la Belle Epoque, juste avant que n'éclate l'ouragan de fer et de feu qui les emporterait tous les deux. Qui peut oublier l'instant où le grand Meaulnes, après avoir franchi un mur moussu - celui du temps - entre dans la chambre de verre ?"
 
Forges de Syam - Le grand Meaulnes, j'ai retrouvé la même délicieuse mélancolie à la lecture de l'un et l'autre livre. Regarder mourir, c'est être en vie. C'est avoir encore cette force en soi. Cette possibilité, d'écrire ce qui disparaît. Dans les deux livres, la même sensation pour le lecteur de  regarder le monde par-dessus l'épaule de l'écrivain. 
 
J'envie cette capacité modeste et exigeante d'écrire ce qui est. Laisser venir à soi avant d'y  coller sa propre histoire. Tenir à distance l'excitation qui dévore trop vite le sujet. Toujours la crainte que cela disparaisse à l'instant.
Y penser demain, quand j'irai visiter la Maison du peuple de Saint-Claude. Lieu dédié aux coopératives ouvrières, à la mise en commun de la culture, de la fraternité. Demain prendre Bergounioux par le bras, s'il le veut bien. 

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