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Les bleus de l'enfance parce que jouer peut-être dangereux.

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16 - Les forges de Syam de Pierre Bergounioux. Un livre qui laisse entrevoir la fin d'un siècle industriel. Description minutieuse d'une forge au pays des lacs dans le Jura. Et la force d'une écriture comme je ne sais pas en faire, avec la grand confiance dans le descriptif. A détailler ce qui fait mur, ce qui fait toit, ce qui fait forge, ce qui fait travail. A ne rien négliger et c'est le minéral qui dessine le contour de ceux qui travaillaient et travaillent encore ici. Et combien Bergounioux voit juste en évoquant Le grand Meaulnes :
 
"On ne peut s'empêcher de songer au livre merveilleux où Alain-Fournier, en 1913, a fixé le visage de la Belle Epoque, juste avant que n'éclate l'ouragan de fer et de feu qui les emporterait tous les deux. Qui peut oublier l'instant où le grand Meaulnes, après avoir franchi un mur moussu - celui du temps - entre dans la chambre de verre ?"
 
Forges de Syam - Le grand Meaulnes, j'ai retrouvé la même délicieuse mélancolie à la lecture de l'un et l'autre livre. Regarder mourir, c'est être en vie. C'est avoir encore cette force en soi. Cette possibilité, d'écrire ce qui disparaît. Dans les deux livres, la même sensation pour le lecteur de  regarder le monde par-dessus l'épaule de l'écrivain. 
 
J'envie cette capacité modeste et exigeante d'écrire ce qui est. Laisser venir à soi avant d'y  coller sa propre histoire. Tenir à distance l'excitation qui dévore trop vite le sujet. Toujours la crainte que cela disparaisse à l'instant.
Y penser demain, quand j'irai visiter la Maison du peuple de Saint-Claude. Lieu dédié aux coopératives ouvrières, à la mise en commun de la culture, de la fraternité. Demain prendre Bergounioux par le bras, s'il le veut bien.