L'étape atelier
Le véritable intérêt des ateliers d'écriture consiste à faire lire autrement et mieux. Avec plus d'exigence - quelle que soit la motivation des participants et leur relation à la lecture. Souvenir fort d'un groupe de femmes, en formation pour les métiers du soin à la personne (comme l'on dit maintenant) et qui ont découvert dans l'atelier les textes d'Annie Ernaux et Marguerite Duras. Elles ont découvert que dans les livres, il y avait des mondes qui les concernaient elles aussi. Que c'étaient un monde accessible.
Ce jour-là j'aurais pu vendre plusieurs de leurs livres si j'en avais eu avec moi. Ne jamais oublier que la littérature s'apprivoise. Que c'est notre principale mission en animant l'atelier. Amener à une écriture vivante même quand avec des textes anciens.
Apprendre le métier d'écrivain c'est une autre histoire. Si les ateliers ont joué dans le parcours d'un auteur c'est parce que l'écriture était déjà à la bonne place.
On peut emmener les participants à poser un autre regard sur les façons d'écrire, les aider à trouver une façon de se saisir du monde. A s'autoriser des nouvelles formes d'écriture - à s'émanciper des exigences scolaire (oui surtout cela). Mais apprendre le travail d'écrivain, je n'y crois pas.
Car l'écrivain s'y colle tous les jours - même lorsqu'il n'a pas encore démarrer un chantier précis. Et c'est la confrontation quotidienne au fait d'écrire qui le fait avancer,le fait trouver. Donne de l'énergie à son travail. L'écrivain doit travailler sa matière - comme n'importe quel artiste - avec obsession. Et ce travail est viscéralement lié à sa pratique de la lecture.
Dans l'atelier on joue, on découvre, on ose. On peut avoir une "révélation" - le mot est un peu fort mais il y a de ça. On peut comprendre quelque chose à l'écriture qui était dissimulée par un ramassis d'idées préconçues sur le génie et le talent. Le métier d'écrivain est un apprentissage. L'atelier peut-être une étape pour quelques rares auteurs. Seulement une étape.
Lire un dimanche après-midi - Tentative Sonore sur une musique de Frédéric Darricades.
Dimanche. Dimanche après-midi. Sans projet particulier qui viendrait ponctuer alors on se laisse glisser dans le vaste de l'instant. Glisser dans l'absence de mouvement. Et la lecture s'installe avec naturel dans ce temps sans battements. Elle nous absorbe jusqu'à l'oubli du corps. Profondément. Ce qui se passe autour est fiction, pas le livre. Pour ce dimanche à l'heure changeante, j'ai choisi - C'est pourtant pas la guerre de Maryline Desbiolles. Dix voix + 1 d'habitants du quartier l'Ariane à Nice. "Le carnet noir est un immeuble, toutes les paroles sont empilées, des appartements de paroles les uns sur les autres. Le carnet noir est un immeuble mal insonorisé, les paroles se chevauchent, se contaminent, se recouvrent ".
Lire tard dans l'après-midi puis se dégager tout de même des pages. Pour bidouiller un peu de son qui raconte justement cela : lire le dimanche après-midi. Avoir envie d'ajouter sa voix à celles intériorisées. Mettre en ligne une autre tentative sonore.
Traîner, feuilleter les livres en désordre sur le canapé, les meubles. Soulever la couverture d'Archipel et Nord de Claude Simon et lire à voix basse. Pas facile de mettre en bouche les phrases au rythme curieusement découpé qui ramènent au déchiré de la carte géographique, aux vues aériennes. Lire pour soi. Avoir le sentiment que ce qui a été lu aujourd'hui, aidera à écrire. Le livre qui se tiendra aussi à portée de voix, celles des ateliers menés ici à Saint-Claude. Abandonner la lecture et le désordre. Allumer l'ordinateur. Et commencer l'écriture. Il fait nuit à la fenêtre.