La langue que je parle est parfois incompréhensible
La langue que je parle est parfois imprévisible
La langue que je parle est parfois insensible
La langue que je parle est parfois difficile
La langue fourche quand je suis énervé
La langue que je parle est un peu grossière
C'est ma langue à moi, ma langue naturelle. Je parle psahtek, cassé, zarbi, chelou, riva, ceci est ma langue. Moitié turque, moitié française. C'est ça la langue que je parle. Ma langue à moi, ma langue de ouf.
La langue que je parle me donne la force d’aimer, la force d’apprécier. Ma langue réconforte les gens, les rassure, elle est française, c’est la langue que je parle tous les jours avec mes amies, ma famille, même si les mots sont des fois désagréables, ils me défendent contre les gens en langue de serpent, qui ont pour langage des gros mots courants. Moi, je ne suis pas comme ça. Ma langue je la parle, je l’aime, c’est ma langue maternelle, sans elle ma vie n’aurait pas de sens.
La langue que je parle est jurassienne
La langue que je parle est familière
La langue que je parle est comme celle de mes professeurs
La langue que je parle est avec accent.
La langue que je parle est pleine de fautes quand je l’écris
La langue que j’écris est bizarre
Ecrire la langue que je parle est très dur.
La langue que je parle est française, turque, anglaise, allemande, arabe
La langue que je parle est celle de mon quartier
La langue que je parle est pauvre.
Extrait d'un texte collectif écrit par une classe de 6ème du collège Rosset.
Dernière mise à jour mercredi 15 avril 2009 - Obsession usine à lire ici
Celle qui n'a trouvé qu'un foyer, Adoma palier 12 pour se poser en France / Celle qui n'aime pas voir les jeunes s'effrayer en voiture / Celle qui a pris l'habitude de les voir brûler ensuite / Celle qui voudrait que ça change / Celle qui a peur que ça change / Ecrire beaucoup avec le peu.
Atelier Français langue étrangère à Bron - Centre social Gérard philippe.
Comme ils m’écorchent les oreilles les gardiens autoproclamés de la Langue. Ceux qui aiment faire rouler le mot dans leur bouche et l'employer ensuite avec un "lan" qui semble baigner dans une sauce grasse et un "gue" qui suit en une brève érection. Une langue qui existerait en soi et dont eux seuls maîtriseraient l’usage. Comme si à l'origine du langage, il n'y avait pas des humains qui tentent avec les mots de fabriquer du bien commun. Leur Langue, c'est l'esprit qui vient directement s’exprimer dans leur bouche de sachant. Ils devraient pourtant se méfier, car il en est un qui a oublié de tourner sept fois sa langue dans la mangeoire avant d’avouer sa haine pour ceux qui viennent bâtardiser notre belle langue française, si lumineuse, si blanche. Il est parti langue pendante se faire oublier car même pas on lui a fait la grâce d'un bâillon. Il aimait pourtant bien délier sa Langue chez l'autre qui a obtenu voie libre sur la radio. Un gardien ou plutôt un châtelain, quelque peu solitaire et aigri, réfugié dans une forteresse de livres sérieux, car sa mère le priva, petit, d’accès aux bandes dessinées et à l'imagerie (que les mères peuvent être sottes parfois). Mais il lui arriva presque de sourire devant nos espoirs déçus d’une France black, blanc, beur et multi-langues. Alors quand je les entends avec leur Langue, j'ai l'impression qu'ils n'ont pas quitté le miroir, celui que j'embrassais gamine pour m'entraîner à rouler une pelle. J'avais si peur de me confronter à la langue des garçons que je préférais cet ersatz de baiser. Heureusement, j'ai osé aller vers l'autre, alors le mot langue me ramène à celles que j'ai invitées à rencontrer la mienne, les joueuses et fines, les lentes et précises, les gourmandes et fouineuses et même celles qui savent se faire si délicieusement vulgaires. Des langues qui font oublier la mort. Alors ceux-là avec leur Langue en sauce, qu’ils se partagent la soupe car jamais, même les soirs de grande fatigue, ils ne m’ont donné envie de les inviter en moi, même pas à la lisière de mes fesses.