[le site de Fabienne Swiatly ]

La couleur absente de la Lorraine.

articles trouvé(s) dans le site

trouvé dans catégorie : Présentation

DSC04872

La langue que je parle est parfois incompréhensible
La langue que je parle est parfois imprévisible
La langue que je parle est parfois insensible
La langue que je parle est parfois difficile

La langue fourche quand je suis énervé

La langue que je parle est un peu grossière

C'est ma langue à moi, ma langue naturelle. Je parle  psahtek, cassé, zarbi, chelou, riva, ceci est ma langue. Moitié turque, moitié française. C'est ça la langue que je parle. Ma langue à moi, ma langue de ouf. 

 La langue que je parle me donne la force d’aimer, la force d’apprécier. Ma langue réconforte les gens, les rassure, elle est française, c’est la langue que je parle tous les jours avec mes amies, ma famille, même si les mots sont des fois désagréables, ils me défendent contre les gens en langue de serpent, qui ont pour langage des gros mots courants. Moi, je ne suis pas comme ça. Ma langue je la parle, je l’aime, c’est ma langue maternelle, sans elle ma vie n’aurait pas de sens.

La langue que je parle, c'est une langue que personne n'utilise au collège, c'est une langue venue d'une île, l'île Maurice. Ma langue est une langue paradisiaque. 
 
La langue que je parle est comme la langue de ceux de mon quartier

La langue que je parle est jurassienne
La langue que je parle est familière
La langue que je parle est comme celle de mes professeurs


La langue que je parle est avec accent.

La langue que je parle est pleine de fautes quand je l’écris
La langue que j’écris est bizarre
Ecrire la langue que je parle est très dur.


La langue que je parle est française, turque, anglaise, allemande, arabe
La langue que je parle est celle  de mon quartier


La langue que je parle est pauvre.

Extrait d'un texte collectif écrit par  une classe de 6ème du collège Rosset. 

Dernière mise à jour mercredi 15 avril 2009 - Obsession usine à lire ici  

lien permanent

trouvé dans catégorie : Les ateliers d'écriture

DSC01620

Celle qui n'a trouvé qu'un foyer, Adoma palier 12 pour se poser en France / Celle qui n'aime pas voir les jeunes s'effrayer en voiture / Celle qui a pris l'habitude de les voir brûler ensuite / Celle qui voudrait que ça change / Celle qui a peur que ça change / Ecrire beaucoup avec le peu.

Atelier Français langue étrangère à Bron - Centre social Gérard philippe. 

Univers étrangers qui se croisent le temps d'un atelier - femmes voilées de Turquie, d'Afghanistan, d'Algérie, du Maroc. Très peu de mots pour se dire. On pourrait croire à de vaines tentatives et pourtant, à chaque fois que je lis le texte écrit ensemble, l'émotion. Elles vivent à l'étroit de la langue, de leur appartement, de leurs conditions sociales. Pas de celles qui se plaignent et le vivre heureux aussi.  Mais le présent est fragile surtout pour leurs enfants et ce pays qui les met encore plus à l'étroit depuis quelques années. Gagner du terrain avec les mots. Et le monde s'ouvre  à moi aussi.

lien permanent

trouvé dans catégorie : Présentation

P1010902

Il est des auteurs qui se décrètent propriétaires de la langue, la vraie langue française. Une langue qui serait immuable comme si elle n'avait jamais été enrichie par des langues étrangères, des langues régionales, des mots d'argot... Une langue qui n’existerait que pour ressusciter dans leurs écrits car eux ils savent. Richard Millet en fait partie et il tient à l'affirmer souvent. Écouté et respecté car il est également éditeur (dont deux Goncourt précisent les interviewers), il décrète ce qui est beau dans la langue et ce qui ne l'est pas. Ce qui ne l'est pas, vient essentiellement de la banlieue. Car même s'il est un grand écrivain, il utilise un vocabulaire généraliste pour désigner l'autre : les noirs, les arabes, les jeunes de banlieue. Lui-même se définit comme étant français de souche, blanc, catholique, hétérosexuel et se sent menacé par l'autre dans cette construction identitaire. J'avais, il y a quelques années lu son livre Lauve le pur, j'y avais trouvé une langue moins exigeante que celle promise par son auteur mais qu'importe ma déception car ce qui m'a poussée à définitivement refermer le livre c'est une phrase presque anodine au premier abord : "en m'asseyant près de la vieille dame (...) dont les années avaient à peine altéré le beau et très français visage." Un visage très français ? j'ai beau tourner cette phrase dans ma tête, j'ai beau questionner l'histoire française, je ne vois pas ce que peut-être un visage très français (caucasien ? ). Comme elle a été écrite par un vrai érudit (français, blanc, catholique, etc), elle n'est pas anodine. Si elle ne suggère pas un visage précis, elle tente subtilement d'effacer tous les autres visages qui constituent la France, ceux qui comme mes grands-parents et parents ont immigré au début du siècle, et ceux d'avant encore. Ceux qui ont permis que sur ma carte d'identité, il y ait écrit nationalité française et que je puisse le vivre sereinement sans avoir à justifier de mon faciès aussi beau soit-il. 

lien permanent

trouvé dans catégorie : Présentation

DSCN3299

Comme ils m’écorchent les oreilles les gardiens autoproclamés de la Langue. Ceux qui aiment faire rouler le mot dans leur bouche et l'employer ensuite avec un "lan" qui semble baigner dans une sauce grasse et un "gue" qui suit en une brève érection. Une langue qui existerait en soi et dont eux seuls maîtriseraient l’usage. Comme si à l'origine du langage, il n'y avait pas des humains qui tentent avec les mots de fabriquer du bien commun. Leur Langue, c'est l'esprit qui vient directement s’exprimer dans leur bouche de sachant. Ils devraient pourtant se méfier, car il en est un qui a oublié de tourner sept fois sa langue dans la mangeoire avant d’avouer sa haine pour ceux qui viennent bâtardiser notre belle langue française, si lumineuse, si blanche. Il est parti langue pendante se faire oublier car même pas on lui a fait la grâce d'un bâillon. Il aimait pourtant bien délier sa Langue chez l'autre qui a obtenu voie libre sur la radio. Un gardien ou plutôt un châtelain, quelque peu solitaire et aigri, réfugié dans une forteresse de livres sérieux, car sa mère le priva, petit, d’accès aux bandes dessinées et à l'imagerie (que les mères peuvent être sottes parfois). Mais il lui arriva presque de sourire devant nos espoirs déçus d’une France black, blanc, beur et multi-langues. Alors quand je les entends avec leur Langue, j'ai l'impression qu'ils n'ont pas quitté le miroir, celui que j'embrassais gamine pour m'entraîner à rouler une pelle. J'avais si peur de me confronter à la langue des garçons que je préférais cet ersatz de baiser. Heureusement, j'ai osé aller vers l'autre, alors le mot langue me ramène à celles que j'ai invitées à rencontrer la mienne, les  joueuses et fines, les lentes et précises, les gourmandes et fouineuses et même celles qui savent se faire si délicieusement vulgaires. Des langues qui font oublier la mort. Alors ceux-là avec leur Langue en sauce, qu’ils se partagent la soupe car jamais, même les soirs de grande fatigue, ils ne m’ont donné envie de les inviter en moi, même pas à la lisière de mes fesses.

lien permanent