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La trace bleue

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C'est l'été. Ce qui est peut donc avoir été. Période estivale plus que saison, l'été impose son rythme. On ne peut y échapper ou difficilement. Si soi-même, l'on ne se met pas en vacances, ce sont les autres qui le sont. Il faut se tenir très loin des offices de tourisme, des terrasses de bistrot, des festivals pour continuer à garder le rythme de l'écriture. L'été, une période de contradictions où le touriste gémit si le ciel ne lui offre pas le soleil mérité et l'agriculteur se plaint du manque d'eau pour ses plantations. Les enfants oublient l'école qui n'a toujours pas réussi à être un lieu du plaisir d'apprendre, mais parfois une légère angoisse sourd en eux quand le calendrier bascule déjà de juillet à août. Certains enfants ne quitteront pas le terrain de jeu de leur quartier alors que la culture se consomme en masse dans quelques villes du Sud de la France. Ailleurs, on ventile les vieux comme si ce n'était pas de solitude qu'ils crèvent. C'est l'été. Dans chaque village des manifestations, des animations, des excursions et des visites car l'ennemi de l'estivant, c'est l'ennui. Et pendant que des hordes de camping-cars se regroupent car leur désir d'aventure s'arrête aux portes de la nuit, les guerres se poursuivent et on lit les résumés au bord d'une piscine ou au sommet d'une montagne. Même la littérature se doit d'être facile à lire. L'été a quelque chose de décevant. Trop d'attente, certainement. Alors je relis l’Été 80 de Marguerite Duras : Qu'est-ce que c'est  encore que cette idée, l'été ? Où est-il tandis qu'il tarde ? Qu'était-il tandis qu'il était là ? De quelle couleur, de quelle chaleur, de quelle illusion, de quel faux-semblant était-il ? 

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Couv. Fabienne Charenton 2583 C 2

La vie d'un texte nous échappe le plus souvent et c'est tant mieux. Quand j'ai écrit ce texte sur un avortement, j'avais des raisons personnelles, mais il me semblait surtout que le sujet était encore tabou. Avant qu'il ne soit publié à la Passe du Vent, je l'ai souvent lu en public. Il a été mis en scène par Eloi Recoing (avec le soutien essentiel de Donatella Saunier de l'Hippocampe) et le poète Michaël Glück en a fait récemment une lecture à Rodez, à mon grand plaisir et aussi à mon grand étonnement. Ce texte me fait prendre conscience qu'il y existe un lourd silence sur le vécu des hommes, pourtant à chaque avortement un homme est concerné. Certains m'ont fait des confidences après les lectures : hommes exclus de la démarche, hommes désemparés, hommes indifférents, hommes qui ont, dans tous les cas, quelque chose à dire, à partager. Je découvre les hommes de la rive  "Je dis rien / Je sais / Je sais / J'attends / J'attends la question"

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Transports en commun, assemblage de mots qui devrait nous transporter plus loin que nos petits déplacements quotidiens. TCL, Transports en Commun Lyonnais où l'on peut entendre une voix polie mais ferme imposer plusieurs fois par jour : Mesdames et Messieurs, pour votre tranquillité, merci de ne pas encourager la mendicité. La voix nous parle comme à des enfants, à des irresponsables puisque nous entretenons la paresse des  mendiants. Ces gens de si peu qu'ils viennent quémander pour se nourrir, nourrir leurs enfants et qui ont l'audace de s'acheter, pour certains, cigarettes et alcools avec notre obole. Et contre cet immonde peuple de cafards, de profiteurs les TCL ont une solution imparable : arrêtons de donner aux pauvres et ils arrêteront de mendier, et si plus personne ne mendie c'est que la pauvreté aura été éradiquée. CQFD ! Alors, nous braves gens, honnêtes travailleurs, nous pourrons voyager tranquilles. Le cerveau disponible pour les messages publicitaires qui nous disent combien il est bon d'acheter, de dépenser et de se soumettre au diktat du commerce. Et quand il n'y aura plus de pauvres pour nous emmerder, nous pourrons apprécier tous les efforts fournis par les TCL pour garantir notre sécurité : policiers, agents de sécurité, contrôleurs, vigiles, militaires par paquet de six, etc. Malheur à moi, femme crédule, qui ose penser que celui qui mendie est animé par la nécessité. Je suis condamnée à vivre mes transports en commun dans l'intranquillité. Et bien je le dis haut et fort, l'intranquillité me sied, car elle me rend vigilante. Fiévreuse et parfois exigeante. Elle me rend indisponible à la propagande et me permet de penser plus loin que les seuls panneaux publicitaires. 
"Je suppose que la plupart des gens, croisés au hasard des rues, emportent eux aussi - je le remarque au mouvement muet des lèvres, à l'indécision vague des yeux, ou aux prières qu'ils élèvent bien haut, avec un bel ensemble - un même élan vers cette guerre inutile d'une armée sans bannières. Et eux tous - je me retourne pour contempler leur dos de pauvres gens, leur dos de vaincus -, tous doivent connaître, comme moi, la grande, la sordide défaite, perdue dans la boue et les roseaux, mais sans la poésie des étangs, sans clair de lune pour en baigner les rives - une défaite minable et boutiquière. Ils ont tous, comme moi, une âme exaltée et triste " Fernando Pessoa - Le livre de l'intranquillité.  

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Il est des livres qui vous emportent en des lieux familiers même si vous ne les connaissez pas. Des livres qui semblent entrer en dialogue avec le mouvant de la mémoire. La traversée de la France à la nage de Pierre Patrolin ne m'a pas quittée de la nuit alors même que je m'étais endormie. Au milieu du fleuve, au milieu de la rivière j'ai nagé en un étrange pays. J'ai longtemps vécu sur une péniche et j'aimais ce lieu singulier du vivre sur l'eau avec la rive qui se donne à voir et soi-même toujours un peu en retrait de la ville. Une nuit très chaude du mois d'août, nous nous étions baignés quelques-uns dans le Rhône. La ville illuminée nous laissait dans l'ombre et il aurait été plaisant de dériver ainsi dans l'avancée sombre de l'eau. Oublier les remous, les courants et les noyés. Nous avions trop bu pour avoir une telle audace, mais je garde la sensation forte d'avoir été en dessous ou plutôt en dehors du monde. Le livre de Patrolin me ramène à la peinture Les énervés de Jumièges d'Evariste Vital Luminais visible au musée des Beaux arts de Rouen, deux jeunes hommes qui dérivent sur l'eau. On leur a coupé les tendons, ils ne peuvent plus se mouvoir. Ce pourrait être les fils de Clovis entré en révolte contre leur père et qu'on a voulu tuer d'abord, puis remis aux Dieux. Il existe sur ce thème un court-métrage de Claude Duty dont je garde un beau souvenir. J'aime l'idée de cette errance avec un monde à portée de regard mais si loin des mains. J'ai hâte de retrouver ma nuit avec le livre, j'ai hâte de me laisser emporter avec l'entêtant du bruit de l'eau. 

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A revenir sur les lieux de son enfance, on finit par croiser des fantômes. Josiane, devant moi, épaules rentrées, sourire difficile, dents abimées et la voix qui hésite : tu me reconnais ? Et je m'étonne de la reconnaitre alors que je l'avais quitté adolescente, première de la classe en primaire et au collège. Élève timide et bosseuse. De ses parents l'on disait qu'ils étaient très stricts et très religieux. Josiane. Son manteau est fatigué et ses yeux évitent mon regard. Elle me parle de mes livres et de sa vie ratée. Plus précisément du fait qu'elle ne soit rien devenue. Ce sont ses mots. Rien. Et il aurait été stupide de rétorquer que l'on devient toujours quelqu'un. Elle sait de quoi elle parle. Tout son corps raconte qu'elle n'a pas réussi à vivre une vie choisie. Je la regarde comme un mirage et une peur rétrospective me saisit, que j'aurais pu moi aussi errer dans Metz à ne pouvoir rien ... je l'avais fait toute une année pendant l'internat. Josiane repart les mains loin dans les poches de son manteau. Le même jour, presque au même endroit, je croise Martine qui elle aussi me demande si je la reconnais. Martine, fille de mes voisins, qui nourrissait les commérages parce qu'à plus de vingt ans elle n'était pas mariée, habitait seule un studio et pratiquait les seins nus sur les plages de la Côte d'Azur. Elle revendiquait son célibat et moi j'admirais son indépendance. D'ailleurs, elle m'a confirmée : tu sais je suis toujours une célibattante ! Pour mes parents l'une était un modèle à suivre et l'autre pas. Il m'a semblé que le hasard voulait me dire quelque chose sur mes propres choix de vie. La vie rêvée de Martine est un livre qui pourrait commencer à s'écrire aujourd'hui. 

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Je me souviens de François Bon essayant de faire comprendre à son interviewer (France Culture) que le rock n'était pas de la sous culture (Je pense que le propos était plus élaboré mais c'est ce dont ce je me souviens). Quand les auteurs évoquent les musiques classiques qui accompagnent leur vie et leur travail, cela semble aller de soi. Les nez se pincent si l'on convoque la musique industrielle ou le rock, pourtant depuis quelques années on peut lire une littérature imprégnée de culture rock par ceux qui ont vécu leur adolescence avec l'énergie de cette musique et les nouveaux territoires sensoriels que cela ouvrait. J'en fais partie ; de Léo Ferré à Led Zeppelin, de Nina Hagen à Mansfiel TYA, j'ai besoin de la vigueur de cette musique pour m'aider à écrire. Comme une pile que l'on recharge. Et parfois cela influence mon écriture, même si je sépare les deux activités. Je n'écris pas en écoutant la musique ou très rarement. Je m'imprègne. Certains livres convoquent d'ailleurs cette musique comme Kaddish d'Allan Ginsberg (goûte ma bouche dans ton oreille) ou encore Charles Pennequin - il me semble. Ici, sur la photo; Sylvain Ferley guitariste de la chanteuse Buridane et également compagnon de route de la création théâtrale Annette et qui m'a souvent surpris par sa capacité à soudain amener une mélodie alors qu'on le croyait penché sur le plus grave de sa guitare et de mon texte. Et je garde en mémoire les sons et les musiques qu'il nous propose quand je poursuis en solitaire le travail de l'écriture. J'aime que cela vienne bousculer le ronronnement qui parfois s'installe à juxtaposer des mots. Comme une manière de tenir à distance, certains jours, l'héritage trop figé de la culture dite classique. 

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Ils ont la vingtaine, garçons et filles qui ont choisi la filière des arts du bois. C'est un lycée professionnel tout près du lac de Vouglans et moi j'arrive avec Journal d'un manœuvre de Thierry Metz : Ici on a les gestes du nomade, on est en dehors, sur le sable. Dans le provisoire. Comment habiter un tel lieu ? Quatre heures d'atelier par jour pendant cinq jours. Et cette belle entente car le travail du bois et de l'écriture exigent des gestes qui nous sont communs. On s'apprivoise et tout avancera avec une belle sérénité jusqu'à la lecture du vendredi avec des textes et photos exposés. Travail en noir et blanc autour du geste. Un peu moins à l'arrache qu'en d'autres lieux qui réclament du corps à corps, autre forme d'énergie, mais parfois aussi le travail lent et patient peut donner du résultat. Pas toujours bosser en force. Ces étudiants viennent d'Alsace, de Paris, de Slovénie, des bords du Doubs ou encore du bitume, certains viennent de petits territoires qui étouffent ou de l'atelier du père, de la mère - ils l'ont écrit. Le sentiment de se comprendre et de mener à bien l'atelier, autre mot commun à notre pratique. Quand il sera l'heure de partir, je serais sereine à conduire entre Jura et Savoie avec Mansfield Tya et Yello en fond sonore. Le sentiment du travail bien fait (mérité ?). Se sentir si vivante que mourir ne fait plus peur. 

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Rarement écrire ne m'a semblé si joyeux. C'est sûrement lié au travail mené avec les Transformateurs. J'aime les retrouver  plusieurs jours, avec les essais au plateau. Confrontation au texte qui m'aide à trouver une forme juste, une adresse différente, presque un rapport physique au son des mots. Avec une envie forte de consonnes et voir le texte devenir matériau. Écrire avec le lecteur en face de moi aurait été  situation inimaginable il y a quelques années. Et puis non, je ne ressens aucune honte à déshabiller mon texte dans leur bouche. Confiance. Capable d'entendre que cela ne fonctionne pas. Aucune crainte à proposer des formes nouvelles. Travail d'équipe qui me permet de pallier ma méconnaissance de l'écriture théâtrale. Si mes textes ont été joués et que je les relis à voix haut, je n'ai guère été confrontée à cette forme d'écriture sauf dans mes lectures, avec une préférence pour les monologues : Gracia Rodrigo, Fabrice Melquiot, Annie Zadeck pour citer ceux qui me viennent à l'esprit. Alors oui j'ai du plaisir à écrire, est-ce suspect ? 

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Amnéville, la ville où je suis née. La ville qui s'impose souvent dans mes textes, mes récits, mes photos. Amnéville, entre Metz et Thionville, la ville qui partage le territoire avec Uckhange, Silvange, Hayange, Talange, Hagondange ... Les patelins en ange comme dans la chanson de Lavilliers. Amnéville qui partage aussi son territoire avec Arcelor Mittal, Unimétal, Usinor et des sources thermales. Les cafés du bas de la ville se font rares. Ma sœur aussi a tiré les rideaux sur la brasserie du Stade pendant que dans la forêt (en haut) on peut miser au casino, transpirer dans les hammams, nager dans un bassin olympique et skier sur la plus grande piste de ski indoor. En haut du clinquant et du vite bâti, en bas la vieille ville qui étire son ennui malgré les maisons ouvrières rénovées. Jean Kiffer a été son maire pendant plus de 45 ans, un record. Il s'est fait connaitre pour ses amitiés avec Charles Pasqua, son accueil chaleureux de Jean-Marie Le Pen, sa cécité quant à l'apartheid en Afrique du Sud et sa capacité à s'approprier des terrains pour y bâtir son rêve de loisirs. Les Amnévillois lui sont grés d'avoir donner des couleurs à la ville pendant la grande crise des années 70. Il y a quelques temps, il a créé le buzz en déclarant Amnéville principauté de Stahlheim (son nom sous l'occupation allemande). Puis il est mort, seul devant sa télé, laissant Amnéville avec quelques millions d'Euros de dettes. Son adjointe découvre la catastrophe après quinze années de présence (on n'ose pas dire de participation) au Conseil municipal. Tous les deux ou trois ans, je retourne dans la ville de mon enfance et je prends des photos. Mon ancienne école est devenue une médiathèque, le champ de mon enfance est recouvert de maisons prétentieuses malgré les pylônes électriques qui traversent le lieu et l'omniprésence d'un grésillement inquiétant. Quand j'en ai marre de marcher, je vais boire un verre chez Dédette et finis toujours par en boire plusieurs. Les mots souvent me manquent pour décrire ce que je cherche dans cette ville. Souvent les autres au comptoir me disent : tu as su partir d'ici. Fin des années 80, j'ai voulu tourner un documentaire sur Amnéville et ce fut un échec. Je ne sais pas faire d'images. Depuis un fichier nommé Le documentaire attend que je parvienne à écrire ce que je n'ai pas su filmer. Ai-je vraiment su partir ?  

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Parce que la nuit je ne dormais pas à cause de la porte de la chambre qui ne fermait pas à clé, j'ai dévoré tout les livres qui me tombaient entre les mains dès l'âge de douze ans. Cette édition de Germinal qui date de 68, je l'ai gardée. Je l'ai relu et le relis encore chaque fois que le sommeil s'absente. Toute la famille Maheu est comme la mienne. Je rêve parfois encore de pouvoir leur offrir de quoi manger, se soigner, se protéger. Je connais leurs cheveux jaune paille, leurs colères, la bosse d'Alzire, les épaules rentrées de Catherine, la poitrine généreuse de la Maheude. Pendant quelques années, le film de Claude Berri a fait écran avec les personnages que je m'étais imaginé. Maintenant ils sont revenus, et cette nuit j'ai partagé à nouveau le réveil difficile de la famille dès quatre heures du matin parce qu'il faut partir à la mine. J'ai remonté avec eux la route du coron. Je suis descendu dans l'obscurité et l'humidité. Et j'ai eu honte avec la Maheude quand il faut quémander cent sous aux bourgeois. A la toute première lecture ce ne sont pas seulement les personnages qui m'ont touchée, mais que le monde ouvrier puisse être sujet d'un livre. Je ne le savais pas. Zola m'a permis d'inscrire ainsi ma propre famille d'ouvriers polonais dans l'histoire. De mettre des mots sur leur silence. A cette époque, je fréquentais un collège à Amnévillle à côté de Gandrange là où Nicolas Sarkozy, beaucoup plus tard, roulera dans la farine les ouvriers d'Arcelor Mittal. Très jeune, j'ai compris que les livres ce n'était pas du divertissement mais un outil d'émancipation. Depuis, je comprends pourquoi ce même président considère la littérature et la culture avec mépris, même s'il fait un peu semblant d'y croire pour élargir son maigre électorat. L'ignorance est l'alliée des dominants, ça aussi je l'ai appris dans les livres. Et je sais qu'il y a encore beaucoup d'enfants qui ont faim de savoir, même s'ils se cachent derrière des écrans. 

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Ce jour là, on pense possible d'utiliser l'adjectif immaculé. Un mot qui d’habitude en fait trop et là, pas de doute, la neige est immaculée. On est les premiers à poser un pied sur ce qui est tombé dans la nuit. Les raquettes permettent d'avancer mais la marche est difficile. Le froid est intense, il est une présence physique. Dès que l'on s'arrête, il s'impose douloureusement à nos membres. Il fait -15 et la brume s'obstine. On est deux et on avance un matin de février en Belledonne. Le silence est une présence lourde comme la neige sur les branches. Malgré le froid et la brume, c'est une randonnée sans danger, le chemin est balisé même si certains panneaux ont disparu sous la neige. Mais l’intensité du froid et la grisaille du ciel réveillent des histoires de  marcheurs perdus ou ensevelis par une avalanche. On partage le frisson pendant que deux faons s'échappent maladroitement sur la pente. Pas d'oiseaux. Puis la pensée revient vers la table d'écriture et des images se forment au rythme lent des pas dans la neige. Parfois la jambe s'enfonce jusqu'à la cuisse. L'effort est bon. Le corps est en vie. Tout à l'heure il fera froid dans le camion mais il n'est pas l'heure d'y penser. 

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Discussion avec une amie au sujet de la Biennale d'art contemporain de Lyon. Ce que l'on a aimé ou pas. Ce que l'on a retenu ou pas. Pour, elle c'est le travail d'Ernesto Ballesteros qui a été le temps fort. Pour moi aussi, sauf que je l'avais oublié. Étrange que ce moment important de ma visite ait ainsi disparu de ma mémoire. Je suis troublée. D'en discuter avec mon amie a permis aux souvenirs de ressurgir. Je revois cet endroit délimité de la Sucrière et cet homme assis face au mur concentré sur ce qu'il a entre les mains. Puis c'est l'heure comme l'indique l'affiche explicative. On s’assoit sur le banc prévu à cet effet et l’homme se lève, et lance d'un geste souple un avion ultra léger dans l'air. L'avion monte et effectue une série de rotations autour d'un poteau en béton. Sur les bancs un public silencieux, sous le charme. C'est beau, c'est apaisant. Quand l'avion a fini son vol, l'homme le récupère d'une main avant qu'il ne se retrouve au sol. Il sourit discrètement à ceux qui applaudissent. Puis il va chercher un autre avion dont il a remonté l'élastique pour permettre le mouvement de l’hélice. Un vol reprend. Même attention, même silence, même douceur. Si mon amie ne m'en avait pas parlé, ce souvenir aurait disparu, je le sens. Qu'il soit dorénavant accolé à mon trouble, lui garantit une place plus pérenne dans mon cerveau. Mais je ne peux m'empêcher de ressasser : comment ai-je pu oublier ce moment essentiel de ma visite ? Combien de souvenirs et de messages importants ai-je ainsi évacués ? Heureusement, je me raccroche à un autre constat :  se souvenir, vivre, penser ou réfléchir ne se fait peut-être pas sans les autres ? Peut-être. Il faudra que je m'en souvienne. 

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Il suffit de s'éloigner de ce qui nous tourmente pour y réfléchir mieux. Marcher le long de la côte en direction du cap Taillat vers Saint-Tropez. Un lieu qui peut effrayer en été, mais s'avère un endroit magique en cette fin décembre. Le paysage est beau, la température clémente, le sable blanc-bleu sur certaines plages. On croise peu de gens, quelques familles avec des jeunes enfants. J'ai marché avec en tête un prochain livre. Le rythme des pas comme appui à la méditation. Quand j'ai vu cet arbre, j'ai demandé à être prise en photo. Je pensais aux peintures de Caspar David Friedrich. Des tableaux qui distillent un sentiment étrange : qui sont ces gens peints de dos (ce qui n'était pas courant au début XIX ème) ? Les paysages, parfois rudes, découpent des ouvertures inquiétantes vers la mer ou le lointain. Friedrich a perdu un frère, noyé dans la Baltique. Il a perdu, très jeune, sa mère et deux sœurs. Ses tableaux sont hantés par ces morts. Moi, j'étais simplement hantée par l'Allemagne de l'Est, ce pays qui n'existe plus et qui pourrait être le thème central du livre à venir. La mort d'un pays ?

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