27 - La Caboulotte. La nuit aura été le moment un peu redouté avant mon installation dans ma cabane-roulotte. Parviendrais-je à dormir ? Aurais-je peur ? Et si des intrus... En fait la nuit aura été un rendez-vous attendu dans la journée, d'abord pour le plaisir à me blottir sous la couette avec la bouillotte quand il faisait froid au dehors et, parfois, à l'intérieur aussi. Le livre calé entre deux oreillers pour ne pas avoir à sortir trop les mains de sous la couette. Plaisir aussi à m'installer sur le petit perron pour écouter le vivant des animaux nocturnes. Observer le ciel et me réjouir de sa profondeur et du mouvement de la lune. Renouer avec le mystère de nos vies. Constater au printemps que la poussée des feuilles des chênes a éloigné le ciel, confirmant le sentiment que l'hiver aura été ma période préférée alors que mon entourage s'inquiétait : l'hiver, ça doit être dur, non ? J'ai souvent eu envie, assise dans la nuit, de fumer une cigarette ou de boire un verre de whisky, et de mettre ainsi le présent à la verticale. Étoile filante de mes anciennes addictions. Je me suis contentée, le plus souvent, de respirer profondément. Boire la nuit. Puis il m'arrivait d'aller pisser tranquillement ici ou là, debout, sans minauderie à l'instar de l'animal que je suis. Je n'ai jamais eu peur même si je fermais la porte à clé en me couchant certains soirs. Et si j'ai été traversée par des sentiments d'angoisse, ils étaient liés à mes cauchemars et à mes insomnies, pas à la solitude. La nuit est généreuse ici. Sans vouloir céder à de la facilité intellectuelle, je trouve le dérèglement climatique bien plus inquiétant que n'importe quelle chauve-souris ou cri rauque du blaireau. Hier, me rendant à un rendez-vous médical à Lyon, j'ai constaté qu'il y avait une longue file d'attente devant les portes d'un magasin dit de grande marque, malgré la chaleur. L'incongruité, la sottise, l'aveuglement (quel mot choisir ?) à mettre une telle énergie pour acheter un pauvre petit sac ou un vêtement issu d'une industrie particulièrement polluante, m'a plongée dans une nuit intérieure autrement plus effrayante que le hululement emblématique de la hulotte. Dans la chaleur poisseuse d'une rue lyonnaise, soudainement, je n'ai plus su quoi penser ou, peut-être bien, est-ce le contraire. La violence mes pensées me sembla, alors, particulièrement effrayante.