[le site de Fabienne Swiatly ]

Le métallisé des eaux profondes, le bleu glacé des torrents.

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26 La Caboulotte - Minuit passé, je me réveille en hurlant. Toujours le même cauchemar, celui qui ramène aux nuits défaites de l'enfance. Angoisse poisseuse qui ne se dissout pas, au contraire, elle imprègne toute la Caboulottte. Dehors devient inquiétant. J'écoute la radio pour dissiper le malaise. Enfin happée par le sommeil, je me réveille vers 6h. Il fait jour. Le sac dos est prêt, le pique-nique aussi. J'embarque cahier, jumelles et appareil photo. Forêt de Saou. Départ de l'auberge des Dauphins en cours de restauration. Je croise les premiers artisans qui viennent travailler à la fraîche. Les mauvaises ondes de la nuit m'accompagnent dans la combe où j'avance. Soleil absent, forêt touffu. C'est beau et sombre. Les oiseaux omniprésents. Marcher seule est, d'habitude, un bon moyen pour me décrasser la tête, pas aujourd'hui. Au pied d'une falaise trouée d'excavations, j'entends des pierres rouler et, chose rare chez moi, je ne suis pas rassurée. J'avance, me parle à voix haute : ça va aller fafa ! J'accélère le pas. Les bruits s'intensifient et je découvre en me retournant, un couple de randonneurs. J'ai un peu honte de ma peur. Je les laisse passer et retrouve un bel allant. Je pense aux deux jeunes campeuses qui me demandaient si je sentais parfois des présences sur le terrain, prête à me raconter ce qu'elles avaient apparemment vu. J'avais coupé court en concluant que chacun voit ce qu'il a besoin de voir. Ne pas me laisser contaminer par la peur abstraite des autres. Mais dans la combe, la conversation me revient et je la chasse en pensant au roman en cours Les Encombrants. Ce matin, je suis bel et bien encombrée. Le chemin monte régulièrement jusqu'au virage du Pré de l’Âne, puis le Pas de Serra. Le paysage s'ouvre majestueusement et moi aussi. Un groupe d'hommes, agents d'entretien, montés en 4x4, pissent en me tournant le dos, chacun son bosquet. Malgré l'heure matinale pas mal de monde sur le site dont un groupe de retraités bavards et dissipés. Je fais une pause, loin du GR, à l'ombre d'un arbre. Je sors mon casse-croûte que je dévore en écrivant. Je suis bien mais décide de prendre un autre chemin que celui prévu. Un chemin moins fréquenté. Même si je me retrouve devant la caméra d'une équipe de FR3 qui me questionne sur ma présence ici. Ils se fichent totalement de mes réponses. Soucieux, seulement, d'avoir le nombre de minutes d'images nécessaires. Je passe par le chemin forestier délicieusement ombragé. Et enfin personne. Au bout de deux heures je constate que j'ai oublié mon couteau vers le Pas de Serra. Un beau Laguiole. Ce couteau étant lié à une histoire décevante et cruelle, je décide de le laisser là-haut. J'ai appris à me défaire de l'encombrant du passé. Au retour, étonnante coïncidence, je trouve un Opinel dans les herbes hautes qui entourent la Caboulotte. J'y vois un signe. Chacun voit ce qu'il a besoin de voir.