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L'obstination du bleu Klein.

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La Caboulotte 18 - Retour dans ma roulotte après la vivifiante parenthèse aquatintienne (Festival de la poésie jeunesse à Tinqueux). Départ sous un ciel confus, arrivée en Drôme dans  une lumière nette. Vent frais. Routine : ouvrir porte et fenêtre, aérer la caboulotte. Ouvrir l'eau, l'électricité. Chauffer, ranger les affaires. Retourner dehors, ramasser ce que le vent a éparpillé. Vérifier que tout va bien. Inspirer profondément et souhaiter le bonjour aux lieux. Penser encore une fois  : Je suis bien ici. Trouver des prétextes pour rester dehors : couper, rassembler du bois, faire la tournée des autres habitats. Se douter qu'il faudra au moins deux jours pour trouver le bon rythme. Craindre le désœuvrement à la tombée de la nuit. Sur le chemin jusqu'à la boite aux lettres, je pressens, avant même de les voir, ce qui vole au-dessus de moi :  cinq impressionnants vautours en repérage ou simplement heureux de se faire porter par le vent. Ils sont assez près pour que je puisse détailler leur plumage à l’œil nu. Tête rentrée, ailes déployées, les vautours sont particulièrement majestueux lorsqu'ils volent. Rien à voir avec le charognard au cou tordu des westerns et des BD. Je les ai regardés, longtemps, emplie de reconnaissance comme s'ils volaient pour moi. L'humain aime s'inventer des histoires. Je les ai observés, désolée de n'avoir emporté ni appareil photo, ni téléphone. Quand ils ont disparu derrière la colline, j'ai été chercher mon appareil. J'ai repris le chemin jusqu'au bois, scruté le bleu du ciel sans les voir réapparaitre. J'ai casse-croûté dehors pour me donner un maximum de chance de repérer leur retour. J'ai vu l'alouette, des mésanges, quelques insectes volants et bruyants mais pas de vautours. Tant pis, ils traverseront ma chronique. Ce lieu d'écriture qui me permet de partager mes impressions banales et singulières à la fois. Rendez-vous précieux. J'ai pensé à ce jeune baroudeur Christopher MacCandlesse qui passa plusieurs mois seul en Alaska où il mourut empoisonné par une plante qu'il pensait comestible. Dans son carnet il avait écrit " Le bonheur n'est vrai que quand il est partagé ". Je ne suis pas loin de penser la même chose. Solitaire, il me faut bien poser ma joie quelque part. Je suis retournée une dernière fois sur le chemin avant qu'il ne fasse trop froid et j'ai pris le ciel en photo à défaut de rapaces. Demain peut-être. En attendant la photo aura pour légende : L'absence des vautours. C'est déjà ça.