[le site de Fabienne Swiatly ]

L'encre du tatouage qui bleuit avec le temps.

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Malgré le ciel embrumé, la lumière grise et l'humide de l'atmosphère, je décide de passer ma matinée à prendre des photos. Je sais que les conditions sont mauvaises, je sais que je n'ai aucune envie précise, je ne suis portée par aucune nécessité, mais je m'oblige. J'ai besoin de bouger. Je dois bouger. Sur les trottoirs de l'avenue des Frères Lumière, du monde vaque - quelques magasins ouverts pour ce dimanche avant Noël. Les tenues sont noir-gris pour la plupart, quelques bonnets blancs ou rouges. Je suis contente d'avoir ma veste vert épinard. Le ciel forme un couvercle bas et enveloppant. Lumière difficile pour la photo. Ma présence dans cette rue n'a aucun sens.
Reste le tramway, l'envie de prendre la ligne Perrache/Saint-Priest, voir ce qu'il y a au bout. Espérer une photo. M'enfoncer dans l'ennui de ce dimanche assise au chaud. Du monde dans le Tramway, des familles maghrébines, deux types qui tètent leur canette de bière forte. A côté de moi, une fille très parfumée lit Closer, les écouteurs de son MP3 laisse échapper un grésillement pénible. Je sens une colère très violente en moi. Une envie de frapper. Je ne comprends pas cette agressivité. Mon impossibilité d'écrire, de photographier qui viendrait volontiers s'exprimer sur le visage de la fille. Je change de place. Le tramway avance lentement à travers un paysage ennuyeux de constructions anciennes ou en chantier. Immeubles, bureaux au milieu de champs et terrains boueux.
Sur les façades, quelques décorations festives et ces pères Noël affreux, accrochés aux fenêtres et aux balustrades. Des personnages maigres en tenue rouge qui ressemblent à des amants stupides ou des suicidés hésitants . Déprimant. Voilà, je suis déprimée. Sans pression intérieure.
J'arrive au terminus de la ligne, rien de particulier. Si ce n'est un grand champ avec sa rangée d'immeubles sur la ligne d'horizon. Je photographie. Ne pas m'étonner si à l'arrivée, j'obtiens des photos ternes. C'est un dimanche terne, je reprends le tramway dans le sens inverse.
Je pense à ma lecture de la veille, une compilation des textes de Cesare Pavese dont seuls me reviennent les titres les plus connus de son travail : Le métier de vivre et travailler fatigue.
Et que je résume, assise dans mon tramway par vivre me fatigue.
Heureusement, je sais que demain cela ira mieux. Ou après-demain quand ils auront enfin décroché les pères Noël suspendus.
Chez moi, je charge les photos prises. N'en conserve qu'une dizaine. A la radio, les infos évoquent l'attentat contre la mosquée de Saint-Priest et l'islamophobie en France. Tout à l'heure, j'étais à Saint-Priest, je ne savais rien de cet attentat. Je n'ai fait que photographier mes états d'âme.
Mise à jour dimanche 21 décembre ici et Obsession usine là