Les cimetières comme lieu de promenade, d'inspiration. Petite déjà c'était un espac de liberté pour moi. Ma mère frottait la pierre, changeait les fleurs et moi je courais sans surveillance entre les stèles. Dans chaque allée une découverte : les poèmes tendres et kitsch gravés dans le marbre, une sculpture originale - sûrement un artiste, des prénoms qui convoquent la fin du 19ème et le début du 20ème siècle : Augustine, Abel , Léontine, Aimé, Étiennette, Modeste, Paulette ... Les tombes des grandes familles qui en imposent jusque dans la mort ou encore ceux qui précisent les métiers : égyptologue, archéologue,musicien. Des médailles et titres honorifiques. Des traces de franc-maçonnerie. Parfois une stèle où la date du décès est la seule information, rappellant l'anonymat de certaines morts. J'avance au hasard, m’arrête ici ou là, et parfois l'émotion des vies qui se comptent en jours : A mon petit Bonhomme. Dans les cimetières, je pense à la vie, je me sens en vie. Formidable réservoir à histoires. Au cimetière de Loyasse dans les hauteurs de Lyon, la vue sur la ville y est superbe. L'ambiance sereine. Beaucoup d'oiseaux. Et on y trouve toujours de l'eau potable et des toilettes. Parfois on s'étonne d'un nom suivi d'une date de naissance mais celle de la mort reste en suspend. Ces personnes viennent-elles parfois sur leur propre tombe ? Apprivoiser leur mort ? Il y a aussi les prêtres qui ont droit à un carré aménagé grâce aux subsides d'une riche famille lyonnaise. Que des hommes (j'ai pu poser un caillou sur la tombe de Luc Moreau qui fut aumônier à la prison et militant de l’Observatoire International des Prisons, l'OIP. Nous étions amis.) Les sœurs, les nonnes sont regroupées dans des tombes communes, et cette inscription sur l'une d'elle : Servantes du Saint Sacrement. Les servantes de l’église. Ce qui nous confirme le peu charitable sexisme de l'Institution. Observer discrètement aussi ceux qui viennent entretenir les tombes, des femmes le plus souvent. Femmes au service. Et ce jour-là un enterrement avec en musique de fond du rap écouté fort par les ouvriers du chantier d'à côté. Et enfin cette photo sur une stèle aux inscriptions illisibles. Ce beau gars qu'on croirait sorti du film Querelle de Fassbinder. Une gueule d'amour. Un homme sans nom, sans dates, sans épitaphe et qui vient exister un bref moment sur ce blog. Tout un monde à quelques pas de la basilique de Fourvière. Je m'y promène comme dans un livre d'histoire.