[le site de Fabienne Swiatly ]

La fumée bleutée d'une Gitane ou d'une Gauloise, les cigarettes que je ne fume plus.

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Ce matin j'ai lu Joël Bastard dans Livre et lire :

"J'étais ouvrier écrivain. L'écriture était pour ceux qui le savaient et qui me regardaient vivre, un loisir assumé financièrement. Aujourd'hui que je me consacre uniquement à cette activité, écrivain au caractère ouvrier et sans statut particulier, je cherche toujours un salaire chaque mois, mais c'est plus difficile (...) Pour avoir le temps de travailler l'écriture."

Des propos qui entrent en écho avec ce que j'ai écrit aujourd'hui sur le carnet de tous les jours : ils aiment que l'on déballe nos tripes, mais s'étonnent de nos airs affamés.

On peut se demander qui désignent le ils, forme généraliste dont je me méfie généralement, comme de dire les gens. Créer une masse méprisable pour mieux se faire exister soi. Pourtant la phrase est venue parce que j'ai passé ma semaine à réclamer de l'argent qui m'est dû à des personnes, des lieux, des associations, des entreprises qui me réduisaient à ce que je déteste le plus : celle qui réclame.... Ils forment du coup un un tout, un ensemble qui a du mal à lâcher mes frais de déplacement, mes droits d'auteurs, mes piges, mes honoraires. Un ensemble pour qui payer mon travail n'est pas une urgence. Chacun porteur d'une excuse plausible mais qui me relègue au même sentiment ancien, celui de la honte. De l'argent qui manque, du crédit qu'il faut demander auprès de l'épicier, des fringues usées et surtout le mépris que l'on a soi-même éprouvé pour son père parce qu'il ne sait pas gagner de l'argent alors qu'il travaille nuit et jour.

Du difficile d'être écrivain quand il n'y a pas le métier qui permet l'écriture. Parce que la semaine à téléphoner pour réclamer l'argent dû, fait de nous des colosses aux pieds d'argile. Pas tous les jours. Parfois on est fort, on est grand et tout simplement heureux quand le livre trouve un écho, quand dans un atelier un participant écrit les mots qui rendent le monde visible, quand la littérature aide à se tenir debout, à faire tenir debout. Parce que la faim nous donne alors la rage de continuer avec et pour tous les autres affamés.

Dernière mise en ligne, ici-même, le 12 décembre et le lien avec le tout nouveau site de Sébastien Rongier, camarade de route de Remue.net.