Voilà un titre étrange qui nous laisse songeur quant à son contenu avant de l'avoir ouvert : Mort d'un cheval dans les bras de sa mère. J'ai lu tous les livres de Jane Sautière et noué une grande confiance quant à sa manière de déployer sa mémoire pour nous embarquer vers des questions plus complexes et collectives. Pourtant certains résumés concernant celui-ci auraient pu soulever de la méfiance chez moi : la relation d'une écrivaine aux bêtes (aux animaux ?). Heureusement, je me doutais bien qu'il serait question d'autre chose. Un des premiers chapitres m'a donné très vite une clé de lecture. A partir des souvenirs du documentaire Le Sang des bêtes de Georges Franju tourné aux abattoirs de La Villette en 1949, Jane Sautière décrit l’abatage d'un cheval avec une telle justesse que j'ai été saisie aux tripes comme jamais, bien plus que pendant le visionnage du film. D'ailleurs j'ai pleuré, ce qui m'arrive très rarement en lisant un livre. Le magnifique cheval blanc décrit - il pourrait être la version âgée du Magnifique dans la Belle et la bête de Cocteau - s'effondre de toute sa hauteur, assommé par le boucher. En quelques coups de couteau il n'est plus un animal mais un morceau de viande.Quelque chose de terrible a eu lieu. J'avais vu le documentaire mais le texte m'a ébranlée bien plus violemment, moi qui pourtant mange de la viande. Moi qui m'entoure peu d'animaux sauf quelques chats qui finissent toujours par disparaitre. Alors dans quel bras m'étais-je fourrée avec ce livre ? Comme souvent avec Jane Sautière ce qui est creusé va bien au-delà de la thématique du livre comme la maternité avec Nullipare ou les vêtements avec Dressing, etc. Lu d'une traite puis relu plus tranquillement, j'ai noté sur le carnet qui accompagne les lectures qu'il était question de notre inépuisable besoin de consolation. Les bêtes meurent nous le savons. Elles meurent avant nous le plus souvent alors nous pouvons les côtoyer, les choyer, les aimer sans jamais oublier leur mortalité. Cette mortalité que nous avons du mal à regarder en face quand elle nous concerne directement. Dans les yeux des bêtes nous regardons la vie sans la dissocier de l’inéluctable qui adviendra : Notre propre mort. Les bêtes nous consolent, un peu parce que nous portons leur deuil. Mort d'un cheval dans les bras de sa mère aux éditions Verticales.