[le site de Fabienne Swiatly ]

L'encre du tatouage qui bleuit avec le temps.

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Parce que j'ai eu aujourd'hui après la restitution à la Médiathèque Fabrice Melquiot,  un mot d'Enzo et Steve : " Le montage est fabuleux car on a entendu tous les mots sortis de notre bouche, mais pas avec notre voix, ça fait bizarre mais ça fait réfléchir car c'était des phrases qu'on pensais pas être capable de dire ". J'ai réfléchi à tous les ateliers et rencontres que j'ai animées depuis près de quinze ans et il me faut constater que ce sont les actions menées avec les jeunes qui ont été les plus réussis. De la primaire à Sciences Po, j'arrive à mettre leur écriture en mouvement. Une psychologue un jour m'a dit : Mais qu'est-ce que vous leur faites en atelier ? Et j'ai répondu, tout simplement : Écrire. De cette écriture qui nécessite de retourner en soi et d'apporter à la surface de la feuille ou de l'écran quelque chose de juste. De l'autobiographie pourrait-on dire, mais le terme est réducteur car il ne suffit pas de convoquer la mémoire pour écrire un texte qui peut-être lu par d'autres. Il faut lui donner une forme. Peut-être, ai-je encore en moi le souvenir très fort de qui j'étais petite puis adolescente, et comment l'écriture et la littérature m'ont permis d'entrer en résilience pour utiliser un mot à la mode. Elles m'ont aidée à me détacher de ma famille et de me saisir de mon histoire sociale. De passer de la fille d'ouvrier à une femme issue de la classe ouvrière. De l'individuel au collectif, de la plainte à la création. Écriture et littérature m'ont permis de renouer avec mes origines étrangères et la langue allemande. De réfléchir à ce que signifie avoir été  réfugiée polonaise sur mes papiers jusqu'à l'âge de 12 avant avant de devenir Française. Si j'aime faire écrire les jeunes enfants, c'est qu'ils sont porteurs d'une certaine confiance en l'avenir. Les adolescents sont traversés, quant à eux,  par de fulgurantes pulsions de vie qui viennent se frotter à celles de la mort. Cela ne me fait pas peur et eux non plus. Vie, mort. Notre destin à tous. Alors oui, mon métier est de les mettre en chemin vers l'écriture pour dire le monde et leur monde. Et j'ai envie de rajouter : j'en suis fière. Cette fierté je veux la partager avec tous ceux qui transmettent, partage la culture non pas pour distraire mais avec la conviction forte qu'elle permet de s'émanciper.