[le site de Fabienne Swiatly ]

Le métallisé des eaux profondes, le bleu glacé des torrents.

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Parfois les ateliers d'écriture ne sont pas une rencontre, parfois c'est raté et ce n'est pas forcément avec des classes dites difficiles, au contraire. Car c'est le plus souvent avec ces classes (où se retrouvent les pauvres, les immigrés et enfants d'immigrés, les mal-orientés, ceux des Zep, des Segpa, des Ulis et tous ceux des zones si joliment nommées zones sensibles...) que je parviens à être étonnée, émue, transportée et parfois aussi car cela a du bon, à être dérangée. Car ces jeunes qui se frottent au rugueux de la vie depuis leur plus jeune âge, ont déjà déployé bien des compétences pour avancer, tenir le coup, progresser. Et ma présence, mes lectures, mes propositions d'écriture les intriguent, les stimulent  car très vite, ils comprennent que la littérature exige une implication forte. Et je peux leur lire Edith Azam, Valérie Rouzeau, Wladimir Maïakovski ou Tarkos, et ils auront la curiosité d'écouter, de comprendre et d'être touché. Un mauvais élève n'est pas un cossard, au contraire, il faut beaucoup d'énergie pour continuer à en être quand on ne rassure pas l'institution. Souvenir d'avoir passé un dimanche entier à mettre à jour un quelconque cahier (contrôle du professeur) et pour gagner du temps, je recopiais une phrase sur deux à partir des notes de la première de la classe (celle qu'on donnait en exemple en cours ou pendant les repas de famille - et que j'ai revu trente ans plus tard, à moitié folle dans les rues de Metz et qu'elle avait ri de sa bouche sans dents quand je lui ai rappelé son statut de meilleure élève). Une phrase sur deux - d'où mon goût peut-être pour la brièveté. Ce sont les plus dociles qui parviennent à se glisser dans le tranquille du moule. Ils ne dérangent personne. Ils ont compris très vite les codes des dominants et reproduisent. Et quand ils sont majorité dans une classe, je sais que cela va être difficile. Dociles ils m'écouteront, ne feront pas de conneries, mais rien ne sera donné. Ils attendront la fin de l'heure et me laisseront seule, dépitée et parfois en colère. Ils sont dans le mou de l’institution : pas d'excellence, pas de répondant non plus. Et leur professeur espérait que mon intervention parviendrait à les réveiller, mais ce ventre mou est difficile à combattre, il est pétri d'habitudes, de peurs et de soumissions. C'est en réfléchissant à tous les ateliers que j'ai animés (des centaines) que j'ai fait le constat. Les bons souvenirs sont toujours liés à des classes dites difficiles. Alors je glisse ici un mot presque désuet pour conclure même s'il ouvre la porte plus qu'il ne la referme : insoumission.