Si l'atelier de l'écrivain se donnait à voir, le mien pourrait ressembler à cela. Du désordre nécessaire à la création et aussi, mon incapacité à séparer l'administratif, la lettre à écrire à un ami, le déroulement d'une rencontre, le texte commandé par une revue. Bricoler un livre à partir du fatras de la pensée. Dans Invitation à l'atelier de l'écrivain Ismail Kadaré écrit : L'écrivain est donc tiraillé entre des forces opposées, des états d'âme contraires, entre le laisser-faire et la détermination, entre l'orgueil de se vouloir de la race des grands et les reproches de sa conscience, jusqu'à ce qu'il décide - ou plus exactement croie décider - de mettre un peu d'ordre dans ses archives. Et j'ose espérer qu'un livre me donnera la même joie que j'éprouvais adolescente à parcourir la route qui me menait d'Amnéville à Silvange, le long de la forêt et des friches d'usine sur la lourde Mobylette bleue de mon père, ressassant parfois des poésies naïves que je recopiais dans des petits carnets jaunes. Rêvant à un avenir plus grand que celui que me proposait mes parents et gravant dans ma tête un paysage qui m'obsède bien plus que je ne l'aurais imaginer alors.