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La couleur absente de la Lorraine.

5 - En 2007, j'étais en résidence à Berlin, invitée par la fondation Genshagen. J'y ai écrit un texte poétique Zurück bleiben pour raconter mon lien avec cette ville. Mon émotion. Et le texte m'a amené jusqu'à mon frère qui était ouvrier-monteur, il partait assez souvent en chantier en Allemagne de l'est. Il aimait l'ambiance de l'autre côté du mur.

J'ai eu plaisir à retrouver ce frère dans l'élan du texte.

Extrait :

Quartier est
ça défait
ça démonte
Le ciel quadrillé de rouille

Les immenses poutres des échaffaudages
découpées au chalumeau

Dans les bennes
des morceaux de la ville

Die stadt im entstehen
Die kräne im himmel
Le ciel fait de grues
Mon frère
Il faisait cela
monter des échafaudages
pour les pays de l’est

Pour gagner du fric
Mein bruder
bauarbeiter
im osten

Mon frère il aimait l’Allemagne de l’est
Les casques à pointe et les teutons
il disait comme ça des allemands

Il aimait les filles de là-bas
Die ostmädel
Il les disait faciles
Il avait l’argent facile
Geld für die mädel
Ils se payaient des filles
et tombaient parfois amoureux
c’est mieux que de tomber des échafaudages

Verliebt in die ostmädel

Oben
ganz oben
Auf den
hohen Gerüsten

Mein Bruder da oben

Hoch so hoch

Wer soll das bezahlen
Wer hat so viel geld

Les hivers
La ferraille qui gèle
ne pas toucher sans les gants
sinon la peau brûle
sur le fer froid

Et la trouille parfois

Die Angst
da hoben
c’est haut
avec un verre de trop

Mon frère il a construit
ce qui se déconstruit
maintenant
dans les quartiers est
eisengerüst
mein bruder da oben

Trink brüderlein trink
lass doch die sorgen
zu hause

Eisengerüste abgebaut
démontés
les échafaudages

Bois mon frère bois
Laisse les soucis à la maison

Mon frère
Il ne travaille plus sur les chantiers
zu alt geworden
jetzt steht er da unten

Früher war
es anders