L'été du livre à Metz - Vendredi 5 juin. J'attends le chaland au stand 110. J'ai le vain espoir d'y croiser un ou une amie de l'époque où je fréquentais par intermittence le lycée Robert Schuman. Personne. Pour passer le temps je note les attitudes de ceux qui s'arrêtent devant ma pile de livres. D'abord deux collégiens qui collectionnent les autographes (au cas où nous serions ou deviendrions célèbres). Puis régulièrement, des gens passent, feuillettent mon livre, lisent la quatrième de couv', le reposent et me disent merci. Je réponds de rien, ce qui est l'expression la plus adaptée à la situation. Avant de s'éloigner, il jette un regard plus ou moins discret sur mon visage (vérifier à quoi ressemble une écrivain).
Une dame, la cinquantaine active, se souvient d'avoir lu un article sur mon livre dans le Républicain Lorrain. Me sourit et s'en va. Une femme âgée, habillée très chic mais la bouche pleine de chicots me demandent quand François Koltès sera là. Sa pile de livres jouxte la mienne, il sera présent dimanche. Je donne l'information à la dame qui trouve très embêtant son absence. Derrière moi, un auteur d'héroic fantasy passe énormément de temps à discuter avec des jeunes garçons passionnés. Je ne comprends rien à leur conversation. Sur le stand des auteurs auto-édités, beaucoup de monde.
Les ados feuillettent souvent Boire. La couverture très BD attire leur regard. L'absence de dessins à l'intérieur doit les décevoir car ils ne l'achètent pas. On me prévient que la lecture d'Une femme allemande aura lieu à la Librairie à 17h30. Il est 15h, je m'ennuie ferme. Quelqu'un me demande ce que je pense du livre de François Koltès. Je donne mon avis sur ce livre que j'ai lu et apprécié, il y a quelques mois. Je précise que je ne suis pas François Koltès. Cela ne fait rire personne. Malgré le whisky et le vin blanc bus avec l'incroyable Jean Favier ce midi (il va me décerner le prix Marianne dans quelques heures), je ne somnole pas. J'écris tout de même : au bout d'une heure, tout écrivain qui ne signe pas un livre, s'affaisse de 10 cm. Je m'interroge sur l'omniprésence des livres de Didier Decoin, presque une table pour lui tout seul. Serait-il mort ? Un homme très bronzé, chemise ouverte sur une croix dorée et un médaillon de la Vierge Marie achète mon livre, mais me prend pour une vendeuse. Une dame me salue, elle ressemble incroyablement à Marguerite Duras. Elle me demande si je suis de la famille d'Alfred Swiatly, avocat à la Chambre de Metz. Pour la cinquième fois aujourd'hui, je réponds non à cette question. La couverture blanche de la Fosse Ours résiste mal aux nombreux attouchements des visiteurs. Une dame me dit qu'elle aurait volontiers acheté mon livre s'il avait été écrit en allemand. Encore une fois, je dis : non, François Koltès ne viendra pas aujourd'hui. Une suite d'hommes cravatés avancent sous le crépitement des appareils photos. Je suppose l'arrivée du maire et ses adjoints. Yasmina Khadra (parrain du festival) les suis timidement). Un bel homme s'approche de moi, me sourit, lit mon nom sur le présentoir, s'excuse et s'éloigne en rougissant. Quelque chose vient de m'échapper. Jacques Fourès de la librairie Géronimo m'annonce qu'il va être temps de se rendre à la lecture. J'aurais vendu un livre et signé deux autographes (à des collégiens) en presque quatre heures. L'auteur d'héroic fantasy discute avec un nouveau groupe de jeunes. Il a l'air content.