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L'obstination du bleu Klein.

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Dans une dizaine de jours, ma résidence dans le Jura se finit. C'est l'heure de préparer l'exposition qui retrace les ateliers. Affiches, dessins, diaporama et le livre donné à chacun des élèves. Derniers moments passés avec les enseignants.  Et déjà la rencontre avec l'auteure retenue pour  2010, Emmanuelle Pireyre, que j'ai eu du plaisir à rencontrer à la Maison de la Poésie.

Travail terminé avec le doute parfois et les petites bourdes qui ternissent un peu le plaisir, des noms d'élèves oubliés ou un diaporama qui rechigne à fonctionner sur certains ordinateurs. On court après le temps et quelque chose finit par échapper. Mais le plaisir aussi, le livre qui fait sens, les enfants qui disent vouloir être écrivain plus tard (qu'ils ne lisent surtout pas la fin de ce texte),   la jeune fille croisée dans Saint-Claude qui prend le temps de se rapprocher malgré son air timide. Je ne me souvenais plus de son prénom mais qu'elle était en classe de CAP. Je la questionne sur ses cours et c'est elle qui me dit combien elle a aimé l'atelier. Oui vraiment trop bien. Et ça fait plaisir. Nos sourires échangés sur le parking de l'Intermarché. 

Depuis quelques jours aussi, avec ceux de la rédaction de Remue.net, dont une bonne partie sont écrivains, nos échanges concernant les résidences. Un même mot pour résumer des situations très différentes. De la résidence qui offre uniquement un lieu pour écrire et celle qui demande une implication plus importante, voire très importante. Le calcul 30 % pour le projet et 70 % pour l'écriture personnelle qui formalise par contrat ce qu'un écrivain a pourtant du mal à quantifier, pour lui-même :  le temps nécessaire pour écrire un livre. Temps qui ne peut se limiter à celui  passé devant l'ordinateur. Tiraillements parfois avec les organisateurs contraints par les désidératas des financeurs et des partenaires.  

De la somme qui parait importante (1500 euros à 2000 par mois) mais sans aucune cotisation ou garantie d'une somme maintenue si jamais l'auteur invité à la mauvaise idée de se casser une jambe ou d'attraper un mauvais microbe. Le logement comme un supplément alors que le loyer court de toute façon pour le lieu de vie habituel. Et du comment faire pour certains quand il y a des enfants. Alors je nous sens proche de ceux d'une autre époque : tâcherons, journaliers qui allaient de ferme en ferme, d'atelier en atelier, louer leur bras. Recevaient gite,couvert et argent. Et retournaient à la précarité et au mystère. 

Parfois aussi des propos qui se font durs à avaler comme ceux de Dominique Lebrun secrétaire général de la Société des gens de lettres et administrateur de l'Agessa qui dit exactement cela dans une interview à Livre et lire, revue de l'Arald : il n'est plus guère envisageable de vivre de la publication de ses livres. Si vous voulez avoir une création littéraire riche et durable, ayez un métier à côté et écrivez pour votre plaisir (voir article en PDF ci-dessous).

Tout le monde sait que l'écrivain écrit seulement pour le plaisir. A côté, il lui suffit d'avoir un métier qui ne l'absorbe pas trop. Ainsi, il aura du temps libre pour écrire, et aussi pour rencontrer son public dans les librairies, pour animer des ateliers d'écriture, pour signer des livres dans les salons, pour préparer et donner des lectures dans les médiathèques. Pour les résidences qui demandent un temps de présence plus long, il restera les écrivains retraités ou chômeurs. Car il est compliqué de quitter un travail pendant trois mois surtout si on est dans l'enseignement. Et surtout dire  au Pôle emploi (ex.ANPE) que l'on écrit la nuit pour ne pas perdre ses indemnités Assedics si on est au chômage. Et que les comédiens, danseurs, metteurs en scène se méfient, on leur demandera bientôt aussi d'avoir un métier à côté, tout le monde sait bien que l'on joue, danse, chante pour le plaisir.

Bon, assez joué, il est l'heure pour moi de retourner à mon travail le vrai. Le sérieux. Oui mais lequel ? Dernière mise à jour dimanche 24 mai et aussi Obsession Usine ici