[le site de Fabienne Swiatly ]

L'encre du tatouage qui bleuit avec le temps.

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J'étais à Cherbourg pour les Mercurielles pour discuter du thème : littérature et travail. Le jeudi, il y a eu la manif et j'y suis allée. Faire nombre. Et il y avait du monde, les chiffres officiels contredisent bien entendu les chiffres des organisateurs. En tout cas, cela faisait du peuple. Comme je ne savais pas derrière quel drapeau  marcher, j'ai remonté la file puis je l'ai redescendue pour prendre des photos. A Cherbourg la pluie a fini par tomber et les parapluies se sont ouverts. Je n'en avais pas, j'ai mis mon appareil photo à l'abri.  Le soir, à un journaliste local qui me demandait ce que je faisais à Cherbourg en dehors des rencontres, j'ai répondu que j'avais participé à la manif. Il m'a dit qu'il n'allait pas écrire cela. J'ai demandé pourquoi ? Il m'a répondu que cela n'avait pas de lien avec le thème. Évidemment : littérature et travail... et manifestation, il n'y a aucun lien. L'écrivain est au-dessus de tout ça. La neutralité créative. J'ai haussé les épaules : tant pis pour le mythe moi j'étais dans le ça, avec ça. Ensuite à la rencontre où il y avait Gérard Mordillat (Les Vivants et les morts) et Sylvain Rossignol (Notre usine est un roman), nous avons encore parlé de ça, mais peut-être que nous ne sommes pas des vrais écrivains. De ceux que le travail et la manifestation ne concernent pas 

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Beau travail de Claire Denis est un film étonnant. Étonnant, car la réalisatrice s'attache à des hommes  qui trimballent bien des clichés et qui à force de se plier au règlement, finissent  par ressembler à leur propre caricature : les légionnaires. Elle les filme fascinée mais avec une grande liberté de regard.  S'autorise toutes les approches : dans le lointain d'un désert de pierres ou de sel ou au plus près de leur peau, de leurs muscles, de leur visage fermé. Claire Denis aime et sait filmer le silence des hommes. Ceux-là mettent toute leur énergie vitale dans des exercices physiques épuisants et vains, car dans la caserne de Djibouti, seules les prostituées semblent encore attendre quelque chose d'eux. Les hommes de la Légion inventent une chorégraphie de torses nus au soleil du matin, de corps à corps virils et violents, ensuite, les mêmes qui repassent minutieusement leur tenue : c'est le pli qui fait l'élégance de l'uniforme, précise leur chef, l'air grave. Esprit de corps où sont gardées à distance les émotions. Amitiés viriles. Rien d'autre sinon le groupe vous exclut. Film à voir sur Arte + 7 pour quelques jours encore. 

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L'argent travaille. Loin de toi, mais il travaille. Silence. Pas déranger l'argent. Discret, l'argent. Très discret. Travaille à se doubler, travaille à se tripler, à se quadrupler. Alors toi, tais-toi, tu ne sais pas compter si loin avec tes pauvres petits doigts. Laisse faire. L’argent travaille. Silence. Pas poser de questions. Juste tu dois en donner un peu. De quoi ? De l'argent. Juste un peu, puis quitter les lieux. Laisse-toi distraire. Tout le monde a besoin de repos. Pas d’inquiétude. L’argent pris sera rendu au centuple. Plus tard. Après. En attendant, pas d’inquiétude. Laisse-toi distraire : jeux, films, musiques, shopping, produits culturels. Abonne-toi. On ne s’ennuie pas à attendre que l’argent soit rendu. Allez plus de questions, laisse l’argent travailler. Laisse l’argent travailler tranquillement. Loin de toi. T'inquiète pas ça ira. Ça ira.                       Moulinage textuel2

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Demandeur d'emploi - expression employée, depuis quand ?  Expression passive. Emploi vient du mot plier. Hommes, femmes qui attendent d'être choisis, d'être désignés. Prêts à l'emploi. Mains au-dessus qui donnent, mains en-dessous qui attendent ... En dessous. Demander, quémander. Moi aussi j'ai été demandeur d'emploi, même demandeuse. J'ai attendu. J'ai fait la file. J'ai lu les annonces, j'ai assisté à des réunions, j'ai participé à des stages. J'ai reçu le tampon sur la carte de demandeur et j'ai plus tard composé le numéro de téléphone pour confirmer que j'étais toujours demandeur d'emploi. J'ai suivi la procédure. J'ai attendu. Longtemps inusitée. Puis je n'ai plus attendu, car dans cette attente il y a toute notre soumission, comme si nous ne faisions pas vraiment partie du monde économique. Juste bons à être employés. Indignation. Je peux, je dois inventer de nouveaux modes de vie. Je peux, je dois inventer de nouveaux modèles économiques. Je ne suis pas une variable d'ajustement. Je ne demande pas  à être employée. Je n'ai pas de mode d'emploi. Je suis farouchement humaine et je veux être emportée par une joyeuse envie de me déployer ! 

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