3 - Ne savoir rien ou si peu
Noter avant d’entrer dans la longueur du texte. Dessiner aussi ou plutôt griffonner, mais comme souvent je n’aime pas le résultat alors je recouvre d’adhésif transparent. Avant d’ouvrir un territoire d’écriture, je dois continuer à me perdre et ne pas figer trop vite mes émotions avec des phrases. Alors dans le cahier rouge intitulé Annette 1, je mets en face à face un électroencéphalogramme, celui qui décela une hypsarythmie chez un bébé de quatre mois et des photos de prises de courant défectueuses, j’aligne mes notes de lecture de Figures du handicap écrit par Simone Korff-Sausse avec une série d’images de pieuvres ... Lire la suite sur Remue.net
13 - Finir le boulot
Nous avions dit le 30 juin et j’ai envoyé le texte le 3 juillet. Texte fini. Les comédiennes vont se l’approprier pendant l’été. Clic droit et le texte me quitte. Soulagement, je vais pouvoir penser à autre chose. Peur aussi, celle de ne pas avoir assez travaillé. De ne pas avoir assez sué. De retenir le meilleur. Que le texte à écrire viendrait seulement maintenant... Lire la suite sur Remue.net
10 - Dans la boue
Tristesse contemporaine. L’étrange nom d’un groupe dont la musique lancinante accompagne l’écriture. Nous sommes lundi. Il fait encore beau et la neige domine les élans du printemps, mais j’ai quitté le paysage. Derrière l’écran de l’ordinateur un mur blanc, ce dont j’ai besoin pour rester concentrée. Longtemps j’ai cru ou bien l’on m’a fait croire que l’écriture était une question d’inspiration. Foutaises inventées par ceux qui n’admettent pas que les Dieux sont une invention humaine... Lire la suite sur Remue.net
9 - Poursuivre
Salle Malraux à Chambéry qui nous accueille pour un nouveau laboratoire. Lecture à la table du texte qui prend forme. Les comédiennes disent. Je suis attentive, je dois repérer les facilités, les faiblesses, le mou du langage, l’alignement de blabla.
Monologue du frère, du père, scène dite du masque... Sylvain Ferlay, le musicien propose des bruitages, improvise une chanson, accompagne les premières scènes du plateau. Certains passages de la pièce sont transformés en didascalies. Ma présence permet une utilisation plus souple du texte : enlever, ajouter, repérer des répétitions, transformer des mots en images, donner corps... Lire la suite sur Remue.net
8 - Partager le doute
Depuis quelques temps, j’ai accepté que mon manque de concentration ne soit pas forcément un signe d’impuissance, mais peut-être une certaine manière de m’approcher des territoires troubles d’un écrit.Quand je pense à autre chose, je vérifie la capacité de mon sujet à s’imposer dans mes pensées. A être là malgré tout.
Annette est en attente depuis quelques jours (semaines ?) dans un dossier nommé TXT en cours. Je ne l’oublie pas. Je mets à coin pour utiliser une expression du Sud-ouest.Annette est là sur la couverture du deuxième cahier de notes, dans les mails échangés avec le metteur en scène, le choix de livres à lire, les rêves qui parfois secouent le silence de la maison. Dans l’intranquillité de mes journées... Lire la suite sur Remue.net
7 - L'appel aux Dieux
Ouvrir le cahier de notes. Relire malgré l’écriture de plus en plus illisible, les doigts qui cherchent les touches de l’ordinateur. J’ai acheté un stylo à calligraphie mais le résultat est encore plus moche. Les traits partent dans tous les sens, le poignet fatigue vite et la plume résiste parfois au papier. Je ne sais plus écrire à la main !
6 - Justifier l'errance
La neige dehors et le ciel si bas que l’intérieur du bureau est un vaste refuge. Écrire. Se tenir loin de la messagerie, de Facebook et de Twitter, trop de bavardages. Écrire dans le flou des intentions. Répondre aux questions des futurs programmateurs qui ont oublié le saut dans le vide que représente la création. Surtout ne pas écrire ce que l’on sait déjà. Tenter autre chose. Suivre l’intuition. Ne pas chercher le chemin le plus court, la ligne droite. Pourtant, il faut expliquer ce que l’écriture du fragment permet pour que la confiance soit donnée. Dire où l’on va malgré la nécessaire errance. Rédiger des explications pour le dossier de présentation. Mettre au clair. L’exercice n’est pas forcément vain, simplement la crainte d’indiquer un chemin que l’on ne prendra peut-être pas ... Lire la suite sur Remue.net
5 - Retrouver du silence
Il y a eu l’expérience d’écrire ensemble sur le thème de l’empêchement avec le metteur en scène et les comédiens-compagnons du Geiq. Je me suis appuyée sur un interview de Valère Novarina paru dans le Matricule des anges pour nourrir une première proposition. Il explique son besoin d’écrire texte au mur et pourquoi il ne supporte plus le texte couché. Alors nous faisons de même, nous passons des notes sur la feuille couchée à l’écriture debout. Écrire dans la verticalité du corps, écrire sur le miroir, puis s’éloigner du texte pour relire. Puis interpréter le texte dans l’immédiateté de son invention... Lire la suite sur Remue.net
4 - La place des autres
La création d’un spectacle qui amène à la résidence et de la résidence à l’animation d’ateliers. Théâtre de Vénissieux. Des femmes et des enfants. Des femmes de tous les âges et le metteur en scène. On fait groupe, on se meut, on tente ensemble de jouer. Jouer sérieusement. Des corps en action, des corps qui sautent, des corps qui rejoignent le sol. Il y a de la joie en ce samedi après-midi malgré le froid. On est loin des files d’attente du supermarché où Noël est aussi lourd qu’un caddie.
Contre un arbre dont je ne sais pas le nom, les feuilles trop jeunes pour donner une piste, je m’appuie. Tronc maigre. Le paysage devant moi, vallonné paisible. Bocage. Préparer la lecture de samedi à la Librairie ParChemins textes d’Albane Gellé, Mohammed El Amraoui, Jacques Jouan, ceux venus en résidence au Château de la Turmelière avant moi. Lire à voix haute. Aujourd'hui c'est plaisir de se tenir dans le soleil d’avril, les pieds nus, chaussettes en boule dans les bottines. L’air sent le pollen, le miel et l'herbe coupée. Je prends des photos mais elles ne savent pas fixer les odeurs encore moins les bruits : le répété des oiseaux et le passage du vent dans le haut des arbres. Je profite. Un rapace traverse au loin le blanc du ciel et bégaie un même son grave. J’écris quelque chose du paysage et des oiseaux. Pas habituel. Peut-être parce que je me suis sentie vieille l’autre jour et que j’ai voulu compter combien de printemps il me restait à vivre encore, peut-être. Vite j’ai effacé l’idée de ma mémoire, calcul terrifiant. Car j'ai vu à l'Ehpad où nous étions en résidence avec la Cie Les Transformateurs que l'âge n'a rien avoir avec le vivre. Dans ce lieu de repli obligatoire des vieux, ceux du grand âge, jusqu'à 105 ans, la vie s'éteint avant le mourir du corps. Car ces vieux s'effacent de notre quotidien, de nos rues, de nos places, de nos mémoires puis d'eux-mêmes. Pourtant j'ai vu quand nous faisions du bruit, quand nous parlions avec eux, quand nous les sollicitions, quand nous allions jusqu'à les enquiquiner à certains moments comme ils se réveillaient. Ils existaient. Et leurs paroles disaient : On n'a pas à se plaindre ... On attend ... A notre âge ... Polis ces vieux mis de côté. Cela m'a fait mal. Très mal. Ne pas gaspiller ma liberté de vivre. Alors je profite de ce jour si beau dans les jardins du Château de la Turmelière, et je me sens bien même si la mer est un cimetière, même si on déverse de la boue sur les pauvres, même si Dieu est redevenu un cri de guerre. Je me tiens à distance pour ne pas tomber. J'écris pour ne pas m'effacer du paysage. J'écris pour que Maria, Odile, Jacques, Serge, Denise ... ne meurent pas avant leur mort.