[le site de Fabienne Swiatly ]

C'est le bleu changeant du ciel comme une fiction.

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9 - Enfin la brume se dissipe. Il faut que j'aille faire des photos même si je dois repartir sur Lyon dans une heure. Et ma valise qui n'est pas faite, je dirais même qu'elle est totalement défaite. Cette capacité que j'ai à créer du désordre en un temps record. Toujours ce besoin du dedans dehors.

L'écriture a cela de merveilleux qu'elle met aussi mon dedans dehors mais de manière ordonnée.

Photos donc. Et toujours cet appareil dont je n'ai pas lu le mode d'emploi. Je fonction en mode automatique pour l'instant, mais quelque chose de gênant. Je suis habituée depuis plusieurs années à utiliser des petits numériques, celui-à avec son objectif pèse dans mes mains. D'ailleurs je prends, une fois sur deux, une photo penchée.

Lumière impeccable. Je prends à nouveau la cimenterie en photo. Avec pas mal de questions sur le choix du cadrage. Qu'est-ce que je veux photographier ? Une présence, d'accord. Mais esthétiser la vision ou la décontextualiser, c'est vouloir raconter quoi ? Je photographie l'usine comme une réminiscence de ma mémoire. Je ne photographie pas ce que je vois, mais je cherche à travers la photo à voir ce que ma mémoire ne parvient pas à dire. Sensation étrange. En tout cas, je passe un bon moment à tourner sur le terrain vague qui borde le bâtiment, on y construit des villas. Je pense au linge qui séchera dans la poussière de ciment.

Et ce que me dit A.D :

"La photo ne montre pas donc: elle donne un sac à la mémoire.
Comme avec les enfants, les plus jeunes. Pour leur faire prendre conscience de la matérialité de l'air, on les fait courir avec un sac en plastique qui se gonfle. Puis on capture, on palpe grâce au sac cet air qu'on ne peut voir. Voilà peut-être le rôle de certaines photos, de certains vers, de certaines phrases qui nous atteignent. Toucher ce qu'on ne voit pas."


Les ouvriers du bâtiment qui s'activent sur le toit, me regardent de temps en temps. J'hésite à leur faire signe. Une femme qui traîne sur les chantiers provoque de nombreux quiproquos. Je grimpe sur les buttes de terre, en quête d'un point de vue intéressant. Je m'écorche les mains aux chardons desséchés. Je glisse et me contorsionne douloureusement afin de protéger l'appareil photo. Puis je prends, saisis, grave l'usine. Celle de la cimenterie.

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31 - Cimenterie au bord du périphérique à Saint-Egrève, à l'entrée de Grenoble. Visible de la route, mais plus on s'en approche, plus elle nous échappe. Murs qui fondent dans les rangées d'arbres et totalement invisibles, on imagine, quand les feuilles recouvreront les branches. Dans cette zone industrielle où peu de monde habite, à qui l'usine doit échapper ? Paysage préservé pour le seul personnel et les quelques rares passants. 

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