Mestre. Ville qui fait face à Venise, qui fait partie de la commune de Venise. Ville laide, à l'urbanisme anarchique, déroutante. 180 000 habitants dont 30 000 travaillent sur les docks de Porto Marghera et dans les usines où l'on produit des peintures, de l'aluminium, du zinc et des millions de litres d'essence. Sur une grande voie rapide, aux arrêts de bus, d'un côté ceux qui partent vers la ville mythique et, en face, ceux qui vont au boulot du côté des raffineries. Vont-ils parfois visiter la cité lacustre ? De Mestre personne ne m'en avait parlé. Pourtant, elle se voit aussi des berges de Venise. N'ai-je pas voulu entendre ou s'agissait-il d'un recadrage ? Comme l'on recadre ses photos pour retirer ce qui pourrait ternir le souvenir. Mestre, la ville hors cadre qui impose ses odeurs chimiques et ne se laisse pas facilement apprivoiser avec ses méandres de routes, de voies rapides, de détours, de ronds-points. Il pleut, nous nous réfugions au Camping Rialto qui se tient au bord d'une route bruyante et poussiéreuse. A l'abri, je lis les Nouvelles vénitiennes de Dominique Paravel. Elle y campe des personnages du XII ème à nos jours. Je lis comment dans le passé, dans le môle se mêlaient déjà une cohue puante de marins, de pèlerins, de tailleurs de pierre, de marchands et d'Orientales. Chacun espérait trouver richesse et reconnaissance dans la ville. Dans le camping, des touristes du monde entier se croisent dans les sanitaires qui sentent le moisi et la pisse. Ils espèrent eux aussi vivre le changement en visitant la Sérénissime. On ne commerce plus de l'onguent ou des sculptures mais du souvenir et de la culture-loisir. Je viens aussi pour cela. Le lendemain, à notre arrivée à Venise, l'ami qui m'accompagne me fait remarquer que sur Piazzale Roma les bus déversent les touristes au même rythme que les camions déversent du gravier sur la place en chantier. Chacun son boulot. Venise est belle mais c'est Mestre qui me donne envie de revenir. Obsession Usine.
Lecture à Ljubljana dans une friche culturelle installée dans l'ancienne caserne militaire de l'armée yougoslave d'avant la guerre. En 1992, quand la Slovénie a déclaré son indépendance, il y a eu des affrontements pendant 40 jours. Les étudiants ont envahi la caserne et elle est devenue, depuis, un lieu culturel. La prison a été transformée en hostel et l'on peut dormir dans des cellules réaménagées par des designers et des architectes essentiellement slovènes. L'association Kud kentaver nous a reçu Mateja Bizjak-Petit et moi pour une lecture en trois langues : français, slovène, allemand dans ce lieu appelé Menza pri koritu qui signifie : la cantine à côté de l'auge. Le mot d'ordre de l'association est poezija je kul ! Spectateurs peu nombreux pour cause de vacances, mais il y avait des jeunes et des moins jeunes très enthousiastes. Nous avons même eu l'honneur d'être bissées. La poésie tient une grande place en Slovénie, et dans la principale librairie de la ville les revues de poésie occupent deux longues étagères. Rendez-vous a été pris pour le mois de juin 2012 où se déroulera un festival poétique en ce même lieu. Avec Mateja nous aimerions écrire un texte commun où viendrait se mêler nos deux langues maternelles pour questionner la question du Vater Land : le pays des pères.
On emmène les filles à la maison de retraite. La vieille dame aime la présence des jeunes. Elle ne reconnaît pas vraiment ses petites-filles, ne sait plus nommer, mais sourit souvent. Ramène les mèches qui viennent se perdre sur leur visage : ne cache pas tes jolis yeux. On quitte la chambre pour le jardin, quelques pas vers le parc aux chèvres et à l'âne. On croise d'autres vieilles dames à la démarche lente. Peu d'hommes, ici. D'ailleurs je remarque que la dame au chignon est sortie sans son mari. Chaque semaine, dans le programme de la maison, il y a un ou deux noms sous la rubrique Au revoir. A l'abri sous la tonnelle, on boit une boisson du distributeur. On parle. Elle me serre la main. Les filles s'ennuient un peu. Les conversations sont difficiles avec qui perd la mémoire. Trois fois, elles ont dû répéter les études, le petit copain, les vacances. La vieille dame se nourrit de sensations, puis elle sourit encore et ira jusqu'à chanter alors qu'elle nous accompagne à la voiture. Il fait chaud, on s'embrasse. Ses bras maigres m'enlacent. Vous reviendrez ?
Un samedi à Tinqueux, salle des associations, Patrick Dubost se prépare à une session slam. Quelques heures plus tôt, nous avons lu à la Maison de la poésie avec de nombreux petits en face de nous. Enfants assez attentifs malgré leur jeune âge. Pour le slam, je me contenterai de photographier. Qui sera le public ? Les autres lecteurs ? Nous n'en savons rien. Je n'ose pas me lancer sans savoir, même si je trouve important que des écrivains, des poètes viennent mêler leur voix à celle des plus jeunes qui portent parfois un regard étroit sur la poésie contemporaine. Leur donner à entendre une oralité qui ne se limite pas à la voix râpeuse des banlieues. Et ce soir-là, ils seront surpris des trois lectures proposées par Patrick. Certains viendront discuter avec lui et peut-être que leurs prochains écrits garderont la trace de ce qu'ils viennent d'entendre. Si je n'ai pas tout aimé ce que j'ai entendu pendant la soirée, je suis ravie de constater que des jeunes, et quelques moins jeunes, viennent un samedi en fin d'après-midi partager leurs écrits. Alors c'est le cœur léger que nous avons pu, à la nuit tombante, rejoindre la grande place de Reims à dix minutes de Tinqueux et partager avec une foule nombreuse la grandiose mise en lumière de la cathédrale qui fête ses huit cents ans. Certaines journées sont précieusement populaires.
Une nuit d'alerte pour ceux qui viennent chercher refuge en France. Ce sera le 31 juillet au théâtre romain de Fourvière à Lyon. Une soirée pour fêter le soixantième anniversaire de la Convention de Genève qui a servi de base à la protection internationale des réfugiés. Un livre regroupant une soixantaine de témoignages sera publié à cette occasion par Forum Réfugiés, j'ai en charge la mise en forme de chacun de ces témoignages. Tâche troublante car à chaque texte, c'est un homme ou une femme qui raconte la violence politique ou économique qui oblige à quitter son pays et aussi sa famille. Puis, le voyage avec le passeur. L'arrivée et le choc. Une autre langue, une autre culture, un autre climat. Dormir dans la rue, manger avec les autres sans domicile et la longue bataille pour obtenir, peut-être, un droit d'asile. Le plus frappant, c'est l'ennui qui en découle. Comment occuper ses journées lorsqu'on n'a pas le droit de travailler, lorsqu'il n'y a pas d'argent, lorsque le logement est une chambre qu'il faut quitter chaque matin ? Et je mets au propre une fois, deux fois, dix fois, soixante fois cette même histoire et pourtant si différente. Et quand des réfugiés chiliens, ceux de la dictature de Pinochet, dès 1973, racontent comment ils on été reçus à bras ouverts par les Français et combien leur histoire nous concernait, je ne peux croire que la crise économique soit la raison de notre indifférence actuelle ? La soirée porte le très beau titre de La nuit d'après.
Depuis quelques jours le ciel n'hésite plus, il pleut. Je quitte la Maison de la Poésie du Jura, Saint-Claude en contrebas. J'écoute assez fort de la musique. The Kills. Un auto-stoppeur sur le bord de la route. J'hésite car je me sens bien, seule, dans la voiture à écouter fort la musique. Mais pour avoir traversé la France en long et en large en stop pendant les années 80, je suis solidaire. Je m'arrête et baisse le son. Il est Allemand. Il habitait l'Allemagne de l'Est, un pays qui n'existe plus. Effacé, sauf quelques traces à Berlin, dérisoires comme les convois de Trabant pour touristes nostalgiques. Un pays absorbé par l'Allemagne de l'Ouest pour quelques Deutsch Mark. Il est parti sur les routes. Erre, un peu, ici dans le Jura. Il me dit en riant qu'il est une victime sauvée du communisme et aussi un travailleur incompétent, feignant pour les employeurs de l'Ouest. Je l'écoute me raconter avec précision les accords de partage entre les puissants dès la fin de la première guerre mondiale et encore à la fin de la deuxième. Des accords financiers qui imposent la géographie de l'Europe. Je voudrais que le voyage dure plus longtemps, je voudrais avoir le temps de lui parler en allemand. Il a gardé un visage d'enfant même s'il approche de la quarantaine. Je le dépose vers un rond-point, on se serre la main. Il me dit s'appeler Falco. Je trouve que c'est un joli nom. Je remets la musique, j'ai comme un début de fiction en tête.
La production de 100 grammes de steak nécessitent 3200 litres d'eau (1800 selon d'autres sources). La phrase est dite. Comme bien d'autres phrases qui viennent me rappeler que je dois sauver la planète à moi toute seule. Me voilà avec un steak bien lourd sur la conscience. Rien ne sert de s'interroger combien de litres d'eau sont nécessaires pour remplir les piscines privées, les jacuzzi, pour l'arrosage des immenses champs de maïs... Je vais devoir réduire ma consommation de steak avec le sentiment de ne pas changer grand chose à la réalité du monde. Le plus souvent, je me dis qu'une démarche collective serait plus efficace, oui mais cela serait moins rentable pour ceux qui vendent des piscines, des jacuzzi et mon steak. Peut-être qu'une nouvelle taxe va être instaurée et je payerai ainsi mon tribut, à moi toute seule, à chaque achat de steak. Comme avec le sac plastique rendu payant pour soit-disant en baisser la consommation. Résultat, il y a toujours autant de sacs plastiques aux rayons fruits et légumes, toujours autant, voire plus, de plastique autour des produits. Rien n'a changé, les dauphins et les baleines ingurgitent toujours autant de plastique et à l'abord des déchetteries, les arbres se couvrent toujours autant de sacs multicolores. Quant à moi, j'ouvre un peu plus grand mon porte-monnaie et les industriels de la pétrochimie se frottent les mains au-dessus. L'écologie à moi toute seule, me donne un terrible sentiment d'inefficacité. Je finis par me sentir comme un steak gavé d'eau perdu dans un sac plastique payant.
Avant d'être un livre, c'était un fichier que j'ouvrais régulièrement. Fichier nommé d'abord Belle-mère puis Unité de vie. Fichier que j'essayais d'ouvrir avec régularité - ne pas perdre le fil du récit. Puis un jour, il y a le sentiment que le texte est fini ou pas loin. Relecture. Une longue année s'est écoulée. Envoi à un ou deux amis lecteurs, jamais plus. Ecouter leurs retours avec sérieux mais aussi de la distance. Se protéger. Puis envoyer le texte à l'éditeur. Long silence car l'attente est longue à ce moment-là. S'il dit oui, on peut passer à l'autre livre, s'il dit peut-être, il faudra retravailler. Retourner au labeur. S'il dit non, envisager un autre éditeur, pas si simple que cela. Cette fois-ci, c'est oui. Soulagement. Même une pointe d'enthousiasme dans la voix - c'est nouveau. Puis le manuscrit revient par la poste. Il faut corriger les épreuves. Terme délicieusement sadien. Un correcteur ramène à la norme, à la grammaire, à la syntaxe, à l'orthographe. Parfois je suis d'accord avec ce qui est proposé, parfois je dois résister. Oui cette virgule, je la veux exactement à cet endroit. Je relis, j'entérine, et mon texte devient une bien pauvre chose. Une chose à l'épreuve de la norme... Trop tard pour réécrire. Corriger, corriger, corriger.. Epreuve ! Mes maigres feuillets sont mis sous enveloppe et glissés directement dans la boite aux lettres de l'éditeur. Débarrassée. Puis, il y a la photo choisie pour la couverture qui arrive par mail. Je clique, j'ouvre et je m'étonne de la similitude du modèle avec la personne qui a inspiré mon personnage. Je suis émue. Le tas de feuillets redevient livre.
Justice est faite. Un homme annonce cela du sourire dans la voix. Il dit qu'un homme a été tué et que justice a été faite. Le corps de l'homme a été immergé dans la mer, ce qui est contraire à sa religion. Et tous les médias se réjouissent, la voix des présentateurs radio et télé ressassent l'information avec cette même jouissance indécente dans la voix. Ils se sentent au cœur de l'événement. Ils s'identifient à ceux qui ont traqué l'homme depuis années et l'ont tué. Chasseurs de prime du 21ème siècle. Ils sont là pour nous dire, à leur tour, que justice a été faite. Alors que la vraie justice aurait été que cet homme soit jugé. Que l'on entende sa folie, sa haine, ses raisons, ses motivations... Et bien non. Il est cadavre et les cadavres se taisent à tout jamais, ou alors on leur fait dire ce qui arrange. Vengeance est faite. Je peux comprendre que les personnes touchées directement par l'attentat du 11 septembre se réjouissent ou se sentent soulagées... pour l'instant. Mais comment se réjouir de la disparition du principal témoin et protagoniste de l'affaire, lorsqu'on croit à la justice pour tous ? Et comment avoir confiance dans les propos d'un chef d'état, alors qu'ils nous mentent bien souvent, surtout les chefs d'état qui souhaitent être réélus. Ne nous ont-ils pas fait croire pendant des mois que quelques points verts sur un film tremblant étaient des tirs de précision ? N'ont-ils pas inventé dans un même temps les frappes chirurgicales et les dommages collatéraux ? Ne nous ont-ils pas fait croire avec le soutien des journalistes que des armes étaient cachées partout en Irak ? Parce que celui-là est noir, parce qu'il a notre sympathie, nous devrions le croire sur parole. La mort d'un homme ne devrait jamais nous réjouir, même s'il se nomme Ben Laden. Combien d'hommes et de femmes sont morts ainsi après la deuxième guerre mondiale, trop vite et de manière malsaine, sans que nous ayons eu la chance d'entendre leur voix. Quels secrets emportent-ils avec eux ? L'apaisement sera bref et il n'est pas sûr que ce soit un pas vers la paix, il y a longtemps déjà que Ben Laden n'était plus leader du mouvement terroriste El Qaeda. La disparation volontaire de son corps laissera plus de doute sur l'identité du mort que de certitudes. Et puis l'on pourrait convoquer, ici, Aristote, Platon, Proudhon, Kant, Arendt pour nous rappeler que la justice c'est considérer chaque homme dans sa dignité indépendamment de ses qualités individuelles.Tuer un homme comme s'il était un monstre, c'est lui faire porter, à lui seul, tout le poids d'atrocités qu'il n'a pas été seul à commettre. Comme s'il était un animal solitaire. Non vraiment, je n'arrive pas à croire que justice a été faite.
En septembre cela fera trois ans que ce site existe. Même si j'écrivais déjà sur d'autres blogs et que l'internet m'était familier, j'ai mis du temps à me décider à créer le mien. A lui trouver une forme et à définir sa fonction. Je ne voulais pas d'un blog du type je donne mon avis (non avisé) sur tout, ni d'un site trop lourd à gérer. Bien des sites se retrouvent en jachère après un ou deux ans. J'avais surtout envie de donner à voir mes photos et à lire ce qui, avant, s'écrivait sur des carnets papier. Je me dis que le nom de trace bleue me va toujours bien. Si ces derniers mois, j'ai manqué de temps pour nourrir les autres entrées, surtout celle des usines, j'aime ce rendez-vous. Et je voudrais, prendre le temps de remercier Monique Derudet qui a su créer un site à mon image et surtout adapté à mes possibilités. Car avant de m'épater avec des effets et des logiciels, elle m'a longuement questionnée sur mes envies, mon temps disponible, mes allergies visuelles, mes compétences en informatique, etc. Et à voir comment j'utilise sans stress cet espace, je me dis qu'elle a su m'écouter. Cela méritait d'être redit : le site Netsucces ici
J'ai beaucoup lu Raymond Carver - J'aime le relire. Je ne connaissais guère sa vie privée. Alcoolisme et réécriture de ses textes par son éditeur s'associaient à son nom, sans que je sache si c'était rumeur ou vérité. Les éditions de l'Olivier ont entrepris une édition complète de ses nouvelles (à partir des textes originaux, c'est à dire sans réécriture par l'éditeur). Dans le premier tome, je découvre une lettre de Raymond Carver adressée à Gordon Lish où il ne demande pas mais supplie que l'on ne réécrive pas ses nouvelles. Une lettre déchirante : Pour vous dire la vérité, c'est ma raison même qui est en jeu ici. Je ne veux pas en faire un mélodrame mais je suis revenu de la tombe pour me remettre à écrire des nouvelles. ... Vous avez amélioré un si grand nombre de ces nouvelles, Dieu sait, partout où la révision est restée légère, par petites touches. Mais pour les autres , pour ces trois-là, me semble-t-il , je risque de crever si elles sortent sous cette forme. .. .. S'il vous plaît faites le nécessaire pour arrêter la publication du livre.
Du coup, je regarde les anciennes éditions avec suspicion. Presque avec colère puisque la lettre envoyée par Carver, en 1980, n'a pas été suivie d'effets. Parfois le printemps porte en lui quelque chose de douloureux.
J'étais dehors! L'expression la plus adaptée pour résumer ces derniers jours. En dehors de ma ville, en dehors de moi et tout simplement dehors parce qu'il faisait beau. Les mains dans la terre. Les mains sur l'arbre à l'écorce rugueuse. Les mains sur la bouteille d'eau, sur le verre de vin, sur le déclencheur de l'appareil photo, sur le livre de Raymond Carver où il supplie son éditeur de ne plus réécrire ses textes. Les mains loin du clavier. Très loin.
J'ai repéré, à proximité de mon nouveau chez moi, une usine de carton : Cascades. Depuis, je lui tourne autour, sans appareil photo pour l'instant. Mais cela va venir. Retrouver le chemin de mes obsessions usines. Demain retour à Lyon. Atelier avec les femmes de la Caravelle qui me servent le thé, me gavent de gâteaux et avec qui je ris beaucoup surtout lorsqu'on parle d'amour. L'amour du cœur et celui d'ailleurs (sic). Des femmes qui séduisent leur mari avec leur blalalala. Atelier aussi avec les jeunes enfants du lycée Jean Moulin à Vénissieux où je leur apprends à écouter le bruit des pierres, la parole des fleurs, le dessin du ciel. Je vais y retrouver Mohamed qui n'aime rien et surtout pas le bébé que la maîtresse attend et Ali qui n'en revenait pas d'avoir écrit une phrase jolie. Et cette autre phrase énigmatique : Un tableau vert, un garçon qui brûle la porte du gardien et au centre une très très jeune femme aime les enfants...
Peut-on se lever chaque matin avec en soi ces tiraillements qui voudraient ou pas une frappe aérienne en Libye, qui voudraient ou pas la destitution de Laurent Gbagbo, qui voudraient ou pas la constitution d'un front républicain, qui voudraient ou pas que DSK se présente aux élections ? On ne peut pas toujours vivre avec le poids du monde sur ses épaules. Il faut bien respirer. Créer des espaces disponibles pour réfléchir. Se sentir en lien avec ce mystère qui chaque jour fait exister le monde malgré nos tourments. Revenir à hauteur d'un vol d'abeille ou le déplié d'une fleur. Je suis affamée d'horizon, d'air qui circule, d'avenir à inventer... Cette faim m'amène, le plus souvent, à ouvrir des livres. Souvent les mêmes. Lointain intérieur d'Henri Michaux et ces mots tout de suite que je lis : Je vous écris du bout du monde. Il faut que vous le sachiez. Souvent les arbres tremblent. On recueille les feuilles. Elles ont un nombre fou de nervures. Mais à quoi bon ? Plus rien entre elles et l'arbre, et nous nous dispersons gênées. Est-ce que la vie sur terre ne pourrait pas se poursuivre sans vent ? Ou faut-il que tout tremble, toujours, toujours ?