[le site de Fabienne Swiatly ]

L'obstination du bleu Klein.

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30 - La Caboulotte. Dernière. Levée tôt pour finir de ranger, vider la Caboulotte qui est redevenue Rouge-Gorge de son nom de baptême. Des ami.es du camping étaient là pour saluer mon départ. Je voulais partir avant leur réveil mais c'était bien de prendre un café avec eux. J'ai souvent du mal à dire au revoir. Onze mois passés ici dans une aire naturelle près de Bourdeaux. Un lieu géré par un collectif de 18 personnes dont je fais partie. Un lieu ouvert aux campeurs et campeuses, aux ami.es et parfois on y accueille aussi des groupes de travail, des artistes, des camps de jeunes... Et parfois la surprise d'une lecture improvisée, d'un solo de violon sous les arbres, d'un cours d'impression végétale, etc. Et son lot de soucis aussi, forcément. Même si j'ai tendance à apprécier la solitude, j'aime sentir qu'ici est aussi l'espace vivant d'autres personnes. Pendant l'hiver où la solitude était particulièrement prégnante, il me semblait ressentir leur présence. Il y avait du nous dans leur absence. La gestion est collective mais aucune obligation de vivre son séjour en communauté. On peut s'isoler avec son ou sa compagne ou ses invité.es. On peut saluer de loin et ne pas venir aux apéros du soir. Le contraire est possible également. Évidemment la gestion collective a ses contraintes surtout que nous habitons ailleurs, certains même hors de France (ma présence sur un temps long est une exception). Seule l'agricultrice associée habite sur place. Inutile de dire que les Assemblées Générales sont des moments délicats car il faut prendre de nombreuses décisions sans avoir vraiment eu le temps de les débattre. Il arrive que l'un ou l'autre quitte l'Assemblée en pestant ou se promettant de vendre sa part. Puis les week-ends travaux nous remettent d'accord ou au moins en amitié. Au-delà de la beauté du site, j'apprécie ce lieu pour le faire ensemble qui s'invente au fur et à mesure. Et cette aventure collective, je l'emmène avec moi alors que je ne sais pas encore bien ce que signifie vivre dans un habitat roulant. Dans un fourgon. Seule.
Fourgon dans lequel j'écris cette ultime chronique de La Caboulotte qui deviendra bientôt la chronique de Mon Chéri puisque j'ai baptisé ainsi mon Crafter (oui cela me fait rire). Il est garé à  l'ombre d'un immense thuyas qui souffre terriblement du manque d'eau. La porte est ouverte. J'entends des voix d'enfants et les grondements du ciel mais pas de pluie attendue. Je vais y rester deux jours, au-dessus de Maclas dans la Loire. Le temps d'apprivoiser les rangements, les circuits électriques (je suis quasi autonome en électricité grâce un panneau solaire sur le toit). Et je ne sais toujours pas quel est le meilleur endroit pour poser ma brosse à dents. Dans ce fourgon je suis bien et je le dois au travail de Xavier Meyer de Vanroadevasion qui a su m'écouter et répondre à mes besoins en respectant mon budget. La Caboulotte est loin. Le fourgon est là. Je ne sais pas encore ce que je vais faire de mes prochains jours. Écrire est la seule certitude, Mon enracinement dans la vie. Depuis longtemps. Écrire. Bonne qu'à ça. Tant mieux.

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29 - La Caboulotte. Pour la première fois, depuis septembre, j'ai eu du mal à écrire cette chronique. J'ai repoussé, j'ai ouvert-fermé l'ordinateur, j'ai écrit-effacé. Il est vrai que l'aventure en soi ou plutôt l'expérience prend fin. Je vais quitter la Caboulotte dans deux semaines. En attendant je trie, je range et je donne-jette le peu, qui est déjà du trop, accumulé pendant ces onze mois. Des livres achetés ou reçus, des revues, des coussins, quelques vêtements achetés sur un vide-grenier, jolis mais totalement inadaptés à mon futur mode de vie et des cailloux que je ne peux m'empêcher de ramasser. Changement de rythme aussi ces dernières semaines à répondre aux invitations des festivals et pas mal de va-et-vient entre la Drôme et Lyon (docteur, dentiste, vie de famille). Mon Crafter arrive samedi et j'ai le trac : Je vais VRAIMENT vivre dans un fourgon. Et ce pour deux ou trois années au moins. Mon ventre se serre. Mes yeux se plissent. Des larmes de soulagement. Des larmes d'appréhension. Des larmes de fierté. J'ai osé. Mieux : J'ose. Les onze mois passés dans La Caboulotte auront été une étape préparatoire nécessaire et surtout heureuse. J'ai appris à restreindre ma consommation d'eau, moins de 10 litres par jour (la consommation moyenne en France est de 150 litres par personne). Comme je n'utilise quasi aucun produit de nettoyage (sauf du savon) l'eau est récupéré et utilisé pour l'arrosage de mon jardinet et les WC. L'usage de la douche collective aura été est un moment de fête surtout l'hiver quand il faisait froid mais pas tous les jours. J'ai utilisé au maximum ma lampe solaire Lagazel dont j'adore le design. J'ai appris à vivre dans la pénombre quand je n'ai pas spécialement besoin d'éclairage. L'hiver j'ai privilégié la bouillotte et le rajout de couvertures. Je ne suis pas exemplaire - téléphone connecté, ordinateur connecté, appareil photo connecté - Mais je suis ravie de cette sobriété en cours, même si je sais parfaitement que seul un changement radical et surtout collectif parviendra, peut-être, à sauver nos vies sur cette planète (et non pas sauver la planète qui s'en tape cordialement. Mars s'en fout d'être un tas de cailloux sans vie). Je parvenais pas à écrire cette chronique car c'est l'heure du bilan et je  prends conscience de tout ce que je n'ai pas fait. Alors le mieux est de me concentrer sur l'expérience à venir, organiser le matériel à emporter, déplier les cartes et trier encore et encore. Je dois privilégier le peu encombrant, éviter le jetable et surtout me délester du poids de la peur, expression utilisée par les grands marcheurs : apprendre à délester le sac de la peur d'avoir froid, la peur d'avoir faim, la peur de tomber malade, la peur de l’obscurité, la peur de manquer. La peur qui alourdit le sac en matériel inutile. Il est temps aussi d'organiser mes déplacements à venir pour ne pas consommer trop de carburant. Nomadisme ne signifie pas se déplacer tous les jours, bien au contraire. Je ne veux pas consommer du paysage mais découvrir les lieux où je vais m'arrêter. Rencontrer des gens. J'en parlerai plus tard sur mon nouveau site en cours de création. Site qui ouvrira ses pages début septembre quand je serai à Saint-Nazaire où je débuterai officiellement ma vie de bohème. 

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28 - La Caboulotte. Il y aura eu cette chaleur oppressante qui m'aura clouée à l'intérieur de mes 9 mètres carrés, maudissant les dizaines de mouches agaçantes et voraces qui ne supportaient pas de me voir lire. Il y aura eu la baignade solitaire dans le Rubion, au lieu dit Le Virage, un début de pluie ayant chassé d'un seul coup tout le monde des rives. Nager seule est un de mes plaisirs préférés dont je pourrais dresser une vivifiante liste. Il y aura eu l'arrivée des uns et des autres sur le terrain, un peu embêté.es de déranger ma solitude et j'ai tenté de les rassurer. J'aime à les voir même si cela perturbe mon rythme de travail. Alors oui j'accepte de partager un verre, un repas, de  jouer à la pétanque et j'y prends plaisir. Il y aura eu la pluie salvatrice même s'il a fallu dégager ensuite la boue des sanitaires à coups de pelle et de balai-brosse. Il y aura eu l'arrivée d'une chatte aux poils longs beige et blanc qui m'a choisie comme maitresse. Et déjà sa présence dans l'herbe haute est une attente de tous les jours, même si je ne l'emmènerai pas dans le fourgon de ma prochaine vie nomade. Les chats sont bien plus attachés aux lieux qu'aux personnes. Je l'ai surnommée Madame. Il y aura eu les répétitions avec l'altiste Chloé Parizot dans la modeste et superbe église Saint Pierre à Dieulefit pour préparer notre lecture Vivre pendant le festival Concertina. Il y aura eu la balade jusqu'au plateau de Vaire en compagnie d'un vieil épagneul breton qui m'a d'abord copieusement aboyé dessus puis suivie pendant près de 3 heures. Il a disparu d'un coup comme savent si bien faire les animaux. J'aime cette compagnie sans autre engagement que le plaisir de passer un bon moment ensemble. Je n'ai pas besoin de posséder un animal. Il y aura eu la sortie avec Maxime Roumazeilles, un passionné de botanique et d'écologie. Trois heures au bord du Jabron a parcourir moins de 500 mètres. Pourtant c'est tout un monde de plantes, d'insectes, d'éco-systèmes que nous aurons observé (ramassant quelques déchets plastiques et canettes en aluminium au passage). A quelques pas de chez soi le monde est déjà vaste, ne l'oublions jamais. Une suite de moments simples avant de faire face au rouleau compresseur d'actions liberticides que les informations additionnent. Le corps des femmes pris en otage que ce soit aux États-Unis ou encore en Turquie avec la condamnation de la sociologue, militante et écrivaine Pinar Selek à un emprisonnement à perpétuité (lire ici). Sans oublier les coupures de budget scélérates infligées à nombreuses manifestations culturelles par le président de la Région Auvergne - Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, dont l'égo froissé lui fait confondre la gestion de l'argent public avec son besoin d'assouvir une haine mesquine contre ceux et celles qui n'adhèrent pas à ses opinions. Toutes ces avancées d'une droite extrême et haineuse, phobique des étrangers, des gens de gauche ne pourront pas être arrêtées par une simple fleur même si la mythique photo de Marc Riboud nous aura fait espérer le contraire. Jamais je ne me suis sentie aussi en paix avec moi-même et, malheureusement, persuadée qu'à la violence qui est faite à nos libertés, seule la violence pourra répondre. Ces derniers mots ne traduisent pas un désir de ma part mais un terrible ressenti voir pressentiment.

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27 - La Caboulotte. La nuit aura été le moment un peu redouté avant mon installation dans ma cabane-roulotte. Parviendrais-je à dormir ? Aurais-je peur ? Et si des intrus... En fait la nuit aura été un rendez-vous attendu dans la journée, d'abord pour le plaisir à me blottir sous la couette avec la bouillotte quand il faisait froid au dehors et, parfois, à l'intérieur aussi. Le livre calé entre deux oreillers pour ne pas avoir à sortir trop les mains de sous la couette. Plaisir aussi à m'installer sur le petit perron pour écouter le vivant des animaux nocturnes. Observer le ciel et me réjouir de sa profondeur et du mouvement de la lune. Renouer avec le mystère de nos vies. Constater au printemps que la poussée des feuilles des chênes a éloigné le ciel, confirmant le sentiment que l'hiver aura été ma période préférée alors que mon entourage s'inquiétait : l'hiver, ça doit être dur, non ? J'ai souvent eu envie, assise dans la nuit, de fumer une cigarette ou de boire un verre de whisky, et de mettre ainsi le présent à la verticale. Étoile filante de mes anciennes addictions. Je me suis contentée, le plus souvent, de respirer profondément. Boire la nuit. Puis il m'arrivait d'aller pisser tranquillement ici ou là, debout, sans minauderie à l'instar de l'animal que je suis. Je n'ai jamais eu peur même si je fermais la porte à clé en me couchant certains soirs. Et si j'ai été traversée par des sentiments d'angoisse, ils étaient liés à mes cauchemars et à mes insomnies, pas à la solitude. La nuit est généreuse ici. Sans vouloir céder à de la facilité intellectuelle, je trouve le dérèglement climatique bien plus inquiétant que n'importe quelle chauve-souris ou cri rauque du blaireau. Hier, me rendant à un rendez-vous médical à Lyon, j'ai constaté qu'il y avait une longue file d'attente devant les portes d'un magasin dit de grande marque, malgré la chaleur. L'incongruité, la sottise, l'aveuglement (quel mot choisir ?) à mettre une telle énergie pour acheter un pauvre petit sac ou un vêtement issu d'une industrie particulièrement polluante, m'a plongée dans une nuit intérieure autrement plus effrayante que le hululement emblématique de la hulotte. Dans la chaleur poisseuse d'une rue lyonnaise, soudainement, je n'ai plus su quoi penser ou, peut-être bien, est-ce le contraire. La violence mes pensées me sembla, alors, particulièrement effrayante.

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26 La Caboulotte - Minuit passé, je me réveille en hurlant. Toujours le même cauchemar, celui qui ramène aux nuits défaites de l'enfance. Angoisse poisseuse qui ne se dissout pas, au contraire, elle imprègne toute la Caboulottte. Dehors devient inquiétant. J'écoute la radio pour dissiper le malaise. Enfin happée par le sommeil, je me réveille vers 6h. Il fait jour. Le sac dos est prêt, le pique-nique aussi. J'embarque cahier, jumelles et appareil photo. Forêt de Saou. Départ de l'auberge des Dauphins en cours de restauration. Je croise les premiers artisans qui viennent travailler à la fraîche. Les mauvaises ondes de la nuit m'accompagnent dans la combe où j'avance. Soleil absent, forêt touffu. C'est beau et sombre. Les oiseaux omniprésents. Marcher seule est, d'habitude, un bon moyen pour me décrasser la tête, pas aujourd'hui. Au pied d'une falaise trouée d'excavations, j'entends des pierres rouler et, chose rare chez moi, je ne suis pas rassurée. J'avance, me parle à voix haute : ça va aller fafa ! J'accélère le pas. Les bruits s'intensifient et je découvre en me retournant, un couple de randonneurs. J'ai un peu honte de ma peur. Je les laisse passer et retrouve un bel allant. Je pense aux deux jeunes campeuses qui me demandaient si je sentais parfois des présences sur le terrain, prête à me raconter ce qu'elles avaient apparemment vu. J'avais coupé court en concluant que chacun voit ce qu'il a besoin de voir. Ne pas me laisser contaminer par la peur abstraite des autres. Mais dans la combe, la conversation me revient et je la chasse en pensant au roman en cours Les Encombrants. Ce matin, je suis bel et bien encombrée. Le chemin monte régulièrement jusqu'au virage du Pré de l’Âne, puis le Pas de Serra. Le paysage s'ouvre majestueusement et moi aussi. Un groupe d'hommes, agents d'entretien, montés en 4x4, pissent en me tournant le dos, chacun son bosquet. Malgré l'heure matinale pas mal de monde sur le site dont un groupe de retraités bavards et dissipés. Je fais une pause, loin du GR, à l'ombre d'un arbre. Je sors mon casse-croûte que je dévore en écrivant. Je suis bien mais décide de prendre un autre chemin que celui prévu. Un chemin moins fréquenté. Même si je me retrouve devant la caméra d'une équipe de FR3 qui me questionne sur ma présence ici. Ils se fichent totalement de mes réponses. Soucieux, seulement, d'avoir le nombre de minutes d'images nécessaires. Je passe par le chemin forestier délicieusement ombragé. Et enfin personne. Au bout de deux heures je constate que j'ai oublié mon couteau vers le Pas de Serra. Un beau Laguiole. Ce couteau étant lié à une histoire décevante et cruelle, je décide de le laisser là-haut. J'ai appris à me défaire de l'encombrant du passé. Au retour, étonnante coïncidence, je trouve un Opinel dans les herbes hautes qui entourent la Caboulotte. J'y vois un signe. Chacun voit ce qu'il a besoin de voir.

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25 La Caboulotte - Etretat. La plage, les falaises, les touristes, le passé. Je regarde la mer et pense, après avoir tenté un selfie, qu'un jour on a son visage de vieux, son visage de vieille. Et il y a quelque chose d'émouvant dans ce visage qui fait que je ne me lancerai jamais dans la bataille du paraître jeune. Une illusion qui ne fonctionne, de toute façon, que sur les images. Et je l'aime bien ma tête de vieille. J'ai quitté la caboulotte pour venir à l'enterrement de Gérard. Quelqu'un que j'ai aimé comme un père et qui fut plus généreux et aimant que mon propre père. La dernière fois que je l'ai vu, en compagnie de ma fille ainée, deux tables nous séparaient. Nous portions un masque chacun. Impossible de communiquer. Ses yeux bleus humides nous lançaient un regard tendre et égaré. Raymonde, sa compagne depuis plus de soixante-dix ans, lui serrait la main. Elle a dit : Je ne sais pas qui c'est, mais elles ont l'air gentil. Raymonde et Gérard entreront un jour dans un de mes livres car je leur dois beaucoup. Mon émotion est trop fragile pour en parler plus en avant dans cette chronique. Assise sur un banc du perrey, je me vois encore, jeune fille de dix-sept ans, arriver à Étretat en stop avec mon amie Corinne. Un sac à dos, deux duvets de mauvaise qualité et l'équivalent de vingt euros en poche, assises sur les galets qu'il n'était pas encore interdit de ramasser,  nous étions époustouflées par le paysage et forte de notre audace. Tout quitter pour partir quelque part, ailleurs pour se séparer d'un avenir étroit de secrétaire. Il faisait beau. L'air était doux et la mer calme.  A cette jeune fille au ciré jaune de cantonnier, j'ai toujours envie de dire : Ne t'inquiète pas ! ça va aller. Mais en a-t-elle besoin ? Car malgré le manque d'argent et l'incertitude du où dormir le soir même, la jeune fille sait que si elle a eu la force de quitter sa famille, de quitter la Lorraine, de rompre avec le déterminisme de son milieu social, elle trouvera la force  faire face. Et elle sait aussi, qu'un jour, elle écrira. Ne sait pas comment, ne sait pas quoi, mais cette volonté, ce désir vibre en elle. Je quitte le souvenir et observe de loin les touristes imprudents qui se promènent trop près de la falaise. Une femme a chuté il y a deux jours à peine. Sur le banc, j'attends le moment de nous retrouver dans l'église romane puis dans le cimetière où Dédé, Jean, Ulysse, Madeleine ont déjà leur nom gravé sur une stèle. Du chou sauvage a été ramassé. Les fleurs jaunes de la falaise seront déposées sur le cercueil. Gentillesse et simplicité, Gérard et Raymonde m'ont donné cela. J'ai de grosses larmes qui font du bien. Demain je rentre à la Caboulotte. Je suis forte de toute cette histoire. Je crois que je vieillis bien.

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24 La Caboulotte - isolement lyonnais car Covid il y a eu. Élections, il y a eu aussi. Fièvre et brouillard dans ma tête à la lecture de cette cartographie politique française où j'ai bien du mal à penser l'avenir. Mais je ne veux pas résumer ce qui s'exprime actuellement par la seule idée qu'il y a les cons et les autres. Une telle suffisance à se croire du bon côté et à mépriser ceux et celles qui tentent de dire quelque chose de leur monde, de leur vie, de leurs espérances et désespérances. Mais glissement de terrain idéologique il y a eu. Vertige. Puis repartir vers la Drôme puisque me voilà guérie. Et en quelques jours, le printemps a fait sérieusement son boulot. Tout verdoie, fleurit, s'agite, pollinise, féconde, bruisse, chante, criaille, stridule. Et à nouveau une sensation de vertige. Vais je retrouver mon rythme d'écriture ? Ma quiétude ? Des associés du lieu sont là pour le week-end. On parle, on mange ensemble, on commente ce lieu géré collectivement et vécu, individuellement, de manière très différente. La complexité du faire ensemble qui permet aussi beaucoup. Et je suis fière et heureuse de faire partie de cette expérience. Pourtant le blues m'étreint, j'ai la nostalgie de l'hiver. La nostalgie de quelque chose de plus rude, d'une situation plus contraignante. Quelque chose a changé. Tout autour de moi les genêts font exploser du jaune pendant que la radio bégaie la même info : le Rassemblement National ne participera d'aucune manière aux célébrations du 1er mai. Qu'ils aillent brouter le muguet ailleurs, me dis-je, un peu bougonne avant de me déplier les oreilles avec de la musique. Canzoniere delle Lame ! Des chants révolutionnaires italiens qui me donnent toujours de l'allant : Noï vogliamo l'uguaglianza. Quand les italiens chantent l'égalité des peuples. J'y crois à nouveau. Quelque chose dans le rythme, le phrasé me transmet du courage. Du possible. Pourtant aujourd'hui je ne parviendrai ni à écrire, ni à lire alors j'emporte les jumelles, l'appareil photo et une bouteille d'eau et vais marcher avant de me poser dans un pré qui est un foisonnement de fleurs et d'herbe haute. Je m'allonge, mâchonne un brin d'herbe et pense à  Walt Whitman : L'odeur de mes aisselles est un arôme plus subtil que la prière. Puis je m'endors en tout confiance avec le ciel par-dessus moi. La révolution, ce ne sera pas aujourd'hui mais, sous mes bras, la vie !

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23 La CaboulotteSept mois que je vis ici et certains moments de solitude auront laissé un peu trop de place au chagrin. Ce chagrin qui m'encombre depuis plus d'une année, même s'il s'allège avec le temps. Mais quand il s'invite à nouveau dans mes pensées, il brouille mon humeur, réveille d'autres chagrins et je ne sais pas quoi en faire. Est-il possible de désaimer ? Pas au passé en tout cas. Alors, il y a la musique et la danse. Formidable recours. Alors oui j'ai dansé dans la neige, bottes en caoutchouc au pied. J'ai dansé à poil devant le poêle. J'ai dansé engoncée dans ma parka quand le vent se faisait glaçant. J'ai dansé au bal littéraire organisé par Pandora, mais c'était ailleurs. Et j'ai dansé sur le perron en bois de la caboulotte qui me sert alors de scène. J'ai dansé sur du Marvin Gaye, James Brown, Mansfield.Tya, Konstantin Gropper, The Troggs et tant d'autres. J'ai dansé avec toute la vitalité de mes 61 ans. J'ai dansé comme une gamine qui dirait : Encore ! J'ai dansé sur du Rachid Taha qui toujours m'accompagne : Voilà, voilà que ça recommence / Partout, partout,  ils avancent. J'ai dansé sur Poutine. J'ai dansé pour l'Ukraine. J'ai dansé contre le dérèglement climatique et les élections perdues par la Gauche. J'ai dansé mon impuissance et dit merci à la vie. J'ai dansé et je danse encore en imaginant qu'un jour un danseur viendra mettre se pas dans les miens, puis j'oublie. Danser et me souvenir que depuis l'enfance et les fables de La Fontaine, j'ai toujours préféré la cigale à la fourmi. Je danse face à mes girafes comme je nomme les pins malingres de mon champ de vision. Pins dont le tronc recouvert de taches de mousse me fait penser au pelage de l'incroyable ruminante à laquelle je suis associée depuis l'âge de douze ans. Au-dessus d'1m70, les filles rejoignent le monde des girafes. Alors oui, je danse sans effaroucher les mésanges qui, au contraire, semblent se rapprocher et m'observer. Mésanges à qui je dédie ma chorégraphique sur " Ça ira, tu verras " de Séverin qui me met à chaque fois de belle humeur : Hé les oiseaux. Je ne sais toujours pas siffler mais, regardez, je sais danser !

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22 La Caboulotte - Tombe la neige. Une journée entière. Silence impressionnant des oiseaux. Une belle poudreuse qui recouvre tout le paysage. Par moment le bruit du grésil emporté par le vent. Je décide aussitôt de creuser un chemin de subsistance comme disent les encabanés canadiens. Ceux et celles qui aiment traverser l'hiver dans des cabanes rustiques en pleine forêt. Creuser un chemin vers l'eau, vers le bois, vers la voiture tant que la neige n'a pas gelée. S'organiser différemment pour éviter de tout mouiller. Emprunter une paire de bottes aux amis de la ferme du dessus. Pratiques pour marcher dans la neige mais pas facile à retirer quand on est seule. La neige. Je suis traversée par une joie enfantine et un peu d'appréhension : combien de temps ? Penser aux agricultures qui doivent lutter contre le gel. La neige, le froid me contraignent au repli même si j'ai traversé les bois et les prés en sautillant comme une gamine. M'enfonçant parfois jusqu'aux cuisses. Mes traces qui viennent se mêler à celles facilement reconnaissables du lièvre. Puis se sécher et se poser au chaud. J'ai de quoi lire et écrire. Je me suis lancée dans la lecture des carnets de Pierre Bergounioux qui est un écrivain que je connais mal. Une écriture en ombre et lumière. Mais l'ombre est parfois terriblement menaçante sans qu'il ne nomme jamais la menace. C'est là. Ses obsessions. Les insectes qu'il immortalise tout en réduisant leur vie pourtant déjà brève. Son besoin d'apprendre ou plutôt de connaître. Le lumineux d'une partie de pêche, puis l'accablement après une longue journée comme prof. Je lis avec intérêt mais mon étonnement tout de même qu'à la date du 10 mai 1981, il soit seulement noté : Mitterrand est élu. Pas un seul commentaire sur ce qui fut un événement (joyeux ou terrifiant) pour toute la France : la gauche prend le pouvoir. Troublant. Et moi qui tiens un journal quasi quotidien depuis mon installation ici, je m'interroge sur mes propres oublis. Je relis des passages. L'Ukraine, les élections, la pandémie sont bien présents, même si mes commentaires ne sont jamais très longs. Une nuit sous la double couette et déjà la neige se soumet au soleil du matin. Bavardage des oiseaux. Les toits, les rebords de fenêtres, les branches des arbres gouttent. Retour aussi  des vautours qui quadrillent scrupuleusement le territoire. Ils ont faim. Cette fois-ci j'en compte plus d'une vingtaine. Trop loin pour que je les prenne en photo de manière intéressante. Il fait un temps à marcher, ce que je vais faire tout à l'heure, appareil photo à la main, bottes aux pieds. Moi aussi j'ai faim. De lumière.

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21 La Caboulotte -  L'arrivée du printemps m'a déroutée. Plus de six mois que je vis ici dans ma cabane-roulotte. Beaucoup s'inquiétait de mon quotidien pendant la période hivernale mais j'ai aimé le froid, la neige, les nuits longues et la solitude et voilà qu'il fait déjà 20° en journée - les fleurs, les feuilles s'imposent, les insectes bruissent de partout, les oiseaux bavardent dans toutes les futaies et sur chaque hauteur d'arbres. Partout le printemps. Et moi, je n'en reviens pas : déjà ! Je ne me sens pas prête. Bien sûr, la vie sera beaucoup plus simple mais je me sens moins à l'abri. C'est l'expression qui me vient. A l'abri de quoi ? Alors ce matin, j'ai décidé de passer ma matinée dehors. Pas d'écriture mais le chantier du petit muret à monter pour contenir la terre d'un jardinet. J'ai glané sur le terrain des pierres de différentes tailles, en prenant soin de ne pas ramasser celles qui appartiennent à un ancien muret, même tombé, pas celles joliment moussues qui se confondent avec la terre, pas celles sous lesquelles vers et fourmis s'activent déjà. Monter un muret et planter bientôt quelquescourgettes, courges et du romarin. Me mêler à  l'activité printanière et apprécier  l'incroyable chance que j'ai d'être dans ce lieu où je peux m'activer et écrire. L'incroyable chance que j'ai de ne pas avoir à craindre le bruit du moteur des avions. Pas de bombardements ici. L'incroyable chance que j'ai de pouvoir vivre modestement mais sereinement de mon métier d'écrivaine. Et aussi d'avoir su nouer de solides relations avec ma famille et mes ami.es pour ne jamais me sentir seule, même si certains jours, c'est aux arbres et aux mésanges que je parle. Par contre, je ne sais toujours pas siffler. Rien à faire. Du coup je suis terriblement envieuse de Jean Boucault et Johnny Rasse, chanteurs d'oiseaux, dont j'ai découvert l'univers à l'écoute d'un podcast Deux vies parmi les oiseaux. Parler-oiseau, quelle chance. Sur le carnet dédié à mon futur voyage en fourgon aménagé, j'ai noté leurs noms, j'ai noté Baie de Somme que je connais un peu (souvenir d'une longue balade dans la baie, tôt le matin parmi les oiseaux, les phoques et les veaux-marins). Et peut-être que je croiserai ces deux étonnants hommes-oiseaux que je ferai bien rire à ne pouvoir extraire de mes lèvres que des vagues sifflotis rocailleux. Le muret prend forme, les muscles se rebiffent un peu, je vais faire une pause, pas envie de me casser le dos. Entre pins et chênes la nature et moi, nous prenons soin de nos nids. Rien de plus. Rien de moins. C'est le printemps, nous en sommes en vie.

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20 La Caboulotte - Dans le Bois de Vache marchant au milieu des hêtres m'est revenue la question posée par une amie : Toi qui vis un peu en dehors du monde qu'est-ce que tu penses de la guerre en Ukraine ? Je ne vis pas en dehors, je vis différemment que les années passées. Un peu plus solitaire que ceux et celles de mon entourage. Un peu plus contrainte dans mon espace de vie. Mais je vis dedans ce monde. Penser donc ? Je ne pense pas grand-chose mais, comme beaucoup, je ressens peur, indignation, impuissance ... Je ne parviens guère à penser au-delà de mes émotions. Je ne parviens pas à une pensée suffisamment forte pour se transformer en actes, car c'est bien d'actes dont a besoin l'Ukraine. Exprimer une opinion, je peux. Envoyer de l'argent, je peux. Faciliter l'accueil des réfugié.es, je peux. Mais ravitailler l'Ukraine en armes ? Envoyer des hommes se battre sur le front ? Déjà j'hésite. Déjà du Trop tard plombe ma matière grise. Je me méfie du prêt-à-penser (à dégainer) médiatique. Par expérience - ma mère était une jeune femme allemande pendant la deuxième guerre mondiale et mon père un soldat dans l'armée français - j'ai subi les analyses simplistes : d'un côté  les méchants (les Boches) et de l'autre les gentils (les Français). Pour apprendre bien plus tard que se jouait aussi le drame des égos machistes à la tête des Nations car une guerre met en jeu des intérêts financiers qui forcent bien des politiques à détourner leur regard. Alors que répondre à cette amie ? Je pense mille choses dont si peu, voire aucune, ne semble pouvoir agir sur la situation. Et pour l'instant rien ne change dans nos habitudes, sauf à réduire notre consommation d'essence car le prix en est trop élevé. De retour à la caboulotte, je me suis installée sur les marches extérieures et j'ai regardé autour de moi en poussant un soupir de bien être. Je constate que déjà des violettes, déjà des primevères, déjà des jours plus longs, déjà le printemps, déjà la guerre. Je taille avec mon beau vieux couteau des branches qui deviendront tuteurs pour le mini jardin printanier que je veux m'inventer. Et je pense à toutes les  femmes agissantes croisées la semaine passée à Coulommiers, Paris et Lyon. Celles qui agissent sur le terrain de l'action solidaire, éducative, émancipatrice et créative. Femmes qui n'attendent pas les hommes pour agir comme ces poétesses réunies autour de réfugiées afghanes à Rillieux-la-Pape où elles ont clamé que La poésie est une épée. D'autres femmes encore qui font entrer la poésie dans les écoles et les médiathèques. Oui, des femmes qui n'attendent pas les hommes pour agir. Des femmes entre les mains des quelles je mettrais bien le destin de mon pays. Des femmes qui me donnent une colonne vertébrale et que parfois, je me demande : qu'est-ce qu'on attend pour prendre le pouvoir et organiser le monde différemment. Il y aura bien des hommes pour nous rejoindre. Fatigués par les impasses où s'engagent les plus puissants qui, soi-disant, nous représentent. Des hommes pour ne pas nous trouver naïves mais fortement inventives. Je vais lui écrire cela à l'amie qui me pose des questions, moi qui ne suis pas en dehors du monde.

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La caboulotte 19 - Il y a des temps creux, des temps difficiles, pas forcément liés à la solitude d'ici. J'aime à répéter qu'à 11h32 je peux m'interroger sur l'art d'en finir et à 11h38 chercher quel est le titre de cette incroyable poésie interprétée par Johnny dans les années 70 (à écouter ici pour les curieux). J'ai l'humeur instable, depuis toujours. Et dans ces creux, l'alcool venait se lover  avant de m'emporter vers d'autres abimes. Alors le barrage de l'abstinence, cinq ans et deux mois, précisément. Depuis l'adolescence, je suis traversée par des courants contradictoires dont je ne parviens pas, certains jours, à gérer les remous. Moins souvent qu'avant et surtout j'arrive à m'arrimer aux " ça va passer " Et, effectivement, ça passe. L'humour me sauve souvent la mise. Je me moque facilement de moi-même - ce qui est très pratique quand on est seule. Ainsi depuis plusieurs semaines je m'entraîne à siffler entre les doigts. Plus précisément à siffler entre le pouce et l'index réunis en une boucle et glissée entre mes lèvres, Comme le cow-boy qui appelle son cheval caché derrière le bosquet, ou encore le voyou pour avertir de l'arrivée des flics. Je m'entraîne régulièrement depuis quinze jours. Au début je m'obstinais à positionner mes mains toujours de la même manière, cherchant à mieux diriger mon souffle. Piètre résultat. Un chuintement vain. Depuis ce matin j'ai changé de tactique. Mes deux doigts sont perpendiculaires à mes lèvres et touchent presque le haut du menton. C'est mieux. Je suis loin du résultat mais ça progresse. Je devrais peut-être m'inspirer de Curro Savoy, célèbre siffleur des musiques de film d'Ennio Moricone - quoiqu'il n'utilise pas ses doigts. Quand je m'exerce, je me souviens que plus jeune, il était dit (on doit pouvoir l'entendre encore) que cela ne se faisait pas pour une fille de siffler. Dans ma caboulotte ou au milieu des arbres, personne pour subir mes pitoyables essais et les oiseaux s'en fichent. Ni cela les effraie. Ni cela les séduit. Je souffle entre mes doigts jusqu'à ce que la tête  me tourne ou que mes lèvres se crispent, alors il est temps d'écrire. En fait, le personnage de mon roman en cours, tente aussi de siffler de la sorte et rencontre les mêmes difficultés. Écrivant cette chronique, je m'interroge sur la photo qui viendra l'illustrer. Un autoportrait ? Guère flatteur car ma bouche, à ce moment là, à tout du cul de poule. Peut-être une photo de ma Vilaine, poupée en tricot récupérée de justesse d'une benne à rebut d'Emmaüs. Depuis elle me suit partout. Je lui ai cousu un sourire pour adoucir son air parfois inquiétant. Mais là tout de suite, il me semble déceler chez elle, une certaine ironie  comme une envie  de me poser la question : T'espère faire revenir qui avec tes sifflements ?

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La Caboulotte 18 - Retour dans ma roulotte après la vivifiante parenthèse aquatintienne (Festival de la poésie jeunesse à Tinqueux). Départ sous un ciel confus, arrivée en Drôme dans  une lumière nette. Vent frais. Routine : ouvrir porte et fenêtre, aérer la caboulotte. Ouvrir l'eau, l'électricité. Chauffer, ranger les affaires. Retourner dehors, ramasser ce que le vent a éparpillé. Vérifier que tout va bien. Inspirer profondément et souhaiter le bonjour aux lieux. Penser encore une fois  : Je suis bien ici. Trouver des prétextes pour rester dehors : couper, rassembler du bois, faire la tournée des autres habitats. Se douter qu'il faudra au moins deux jours pour trouver le bon rythme. Craindre le désœuvrement à la tombée de la nuit. Sur le chemin jusqu'à la boite aux lettres, je pressens, avant même de les voir, ce qui vole au-dessus de moi :  cinq impressionnants vautours en repérage ou simplement heureux de se faire porter par le vent. Ils sont assez près pour que je puisse détailler leur plumage à l’œil nu. Tête rentrée, ailes déployées, les vautours sont particulièrement majestueux lorsqu'ils volent. Rien à voir avec le charognard au cou tordu des westerns et des BD. Je les ai regardés, longtemps, emplie de reconnaissance comme s'ils volaient pour moi. L'humain aime s'inventer des histoires. Je les ai observés, désolée de n'avoir emporté ni appareil photo, ni téléphone. Quand ils ont disparu derrière la colline, j'ai été chercher mon appareil. J'ai repris le chemin jusqu'au bois, scruté le bleu du ciel sans les voir réapparaitre. J'ai casse-croûté dehors pour me donner un maximum de chance de repérer leur retour. J'ai vu l'alouette, des mésanges, quelques insectes volants et bruyants mais pas de vautours. Tant pis, ils traverseront ma chronique. Ce lieu d'écriture qui me permet de partager mes impressions banales et singulières à la fois. Rendez-vous précieux. J'ai pensé à ce jeune baroudeur Christopher MacCandlesse qui passa plusieurs mois seul en Alaska où il mourut empoisonné par une plante qu'il pensait comestible. Dans son carnet il avait écrit " Le bonheur n'est vrai que quand il est partagé ". Je ne suis pas loin de penser la même chose. Solitaire, il me faut bien poser ma joie quelque part. Je suis retournée une dernière fois sur le chemin avant qu'il ne fasse trop froid et j'ai pris le ciel en photo à défaut de rapaces. Demain peut-être. En attendant la photo aura pour légende : L'absence des vautours. C'est déjà ça.

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